menu Menu
Quelles perspectives pour un parti de masse ?
L’ambition d’un parti de masse devra être de s’inscrire dans les classes populaires et de vivre de leur vitalité propre afin de pouvoir construire une organisation véritablement révolutionnaire.
Par N. Publié in #4 Quel avenir bâtir ? le 16 novembre 2022 23 min de lecture
L’après Mélenchon : le temps de la refondation Précédent Chili : que reste-t-il du soulèvement populaire ? Suivant

Quelles perspectives pour un parti de masse ?

Quelques pistes de réflexion

Rappel : Dans notre précédent article, nous avons appelé à la constitution d’un parti de masse. Les organisations, type la France insoumise, mettant en avant un fonctionnement horizontal et gazeux ne peuvent opérer la bascule révolutionnaire que nous appelons de nos vœux. Tout au plus peuvent-elles prétendre freiner épisodiquement l’expansion continue du capitalisme sur nos vies ; mais, par la participation au jeu politique institutionnel, ces organisations valident la dépossession des classes populaires de leur souveraineté politique en ne leur offrant comme débouché qu’un porte-parolat bien insuffisant et à la légitimité douteuse – parler à la place de/d’eux. Un parti de masse devrait travailler continuellement à permettre aux classes populaires de s’émanciper par elles-mêmes de l’exploitation qu’elles subissent. Or, l’Assemblée nationale n’est représentative que des couches supérieures et moyennes du salariat. La NUPES n’y a rien changé. L’ambition d’un parti de masse devra être de s’inscrire dans les classes populaires et de vivre de leur vitalité propre afin de pouvoir construire une organisation véritablement révolutionnaire.

Prélude

Nous avons bien conscience, en écrivant ces lignes, de la dimension incantatoire de notre propos. Appeler à la fondation d’un parti de masse, sans les moyens de sa réalisation, n’est pas une action opérative sur le réel. Nombre d’appels restent sans effet et il est possible que le nôtre s’ajoute à longue liste des cris sans échos peuplant le cimetière des combats politiques. Peut-être. Néanmoins, nous refusons – et refuser est agir – d’adopter une posture passive et cynique. A défaut de masses populaires en soulèvement, dans l’état actuel du rapport de force, nous ne pouvons qu’investir le champ théorique en essayant de nous écarter le moins possible de ce qui pourrait être fait. Il est trivial de rappeler que ce sont les êtres humains qui écrivent leur histoire ; il est en revanche essentiel de préciser que cette écriture ne perdra rien à avoir différentes sources d’inspiration – sans verser dans une approche idéaliste donnant aux idées la primauté sur les faits. Nous ne prétendons à rien d’autre que produire une réflexion ; que les conditions d’agencement du réel se modifient ; que l’histoire qui s’écrira puisse être en adéquation avec la société que nous appelons de nos vœux.

I- Une organisation révolutionnaire

Le parti de masse que nous appelons de nos vœux doit être, avant toute chose et pour évacuer les ambiguïtés qui pourraient émerger sur ses finalités et modes d’action, une organisation révolutionnaire. Une organisation révolutionnaire ne saurait restreindre la lutte révolutionnaire à un seul aspect de l’existence, mais bien mener le combat conjointement, dans tous les domaines, et auprès de toutes les classes sociales de la société – sans naïveté aucune sur le potentiel d’imprégnation de ses idées auprès de certaines.

L’une des missions premières de l’organisation est de former à l’éducation politique des militants permanents, c’est-à-dire des femmes et des hommes dont les conditions d’existence sont, autant que possible, détachées de la production capitaliste. Ce temps dégagé des contraintes économiques permet de libérer l’esprit et le corps du rapport social institué par le mode de production capitaliste plaçant les travailleurs en une position de sujétion. A ce titre, la crise de la Covid-19 a eu pour intérêt de permettre à nombre d’entre eux de prendre conscience du sens de leur existence, et ce faisant, de repenser leur rapport au travail. La vague de démissions qui en a suivi est une traduction de ce constat d’une dépossession des travailleurs d’eux-mêmes opérée par le travail capitaliste. Pour permettre de former des militants permanents, il faut que l’organisation ait atteint un certain niveau d’autonomie financière à même de permettre d’assurer leur subsistance. On pourrait objecter qu’il s’agirait de former des intellectuels, déconnectés du réel et évoluant uniquement dans le monde des idées. Nullement. Et ce pour deux raisons : la première c’est qu’avoir une vision claire des mécanismes de l’exploitation capitaliste, dans toutes ses ramifications, et au-delà des frontières strictes de la France, requiert un temps dont ne dispose pas la personne devant, chaque jour, aller occuper huit ou dix heures durant son poste dans la production. La seconde, c’est qu’une fois cette éducation faite de manière à constituer un socle d’analyse et d’interprétation suffisamment solide, ces révolutionnaires sont renvoyés au contact des travailleurs pour, d’une part réaliser des missions de propagande et d’agitation politique à même de contribuer à la formation de nouveaux militants révolutionnaires en élevant leur niveau de conscience, et d’autre part d’approfondir leurs propres connaissances des multiples ramifications de l’exploitation capitaliste – aucun savoir n’étant définitif, il convient sans cesse de confronter sa grille d’analyse au réel. Ainsi, il n’y a pas d’antinomie fondamentale entre la sphère idéologique et la sphère pratique ; davantage, il s’agit autant que possible de réduire la distance entre les deux. Il serait aussi souhaitable de concevoir des cycles de formation où les individus se retireraient complètement ou partiellement de la production le temps de leur formation, vivant des ressources du parti, avant d’y retourner, laissant leur place à d’autres. Si ces modalités méritent d’être précisées, la mission d’éducation et d’élévation du niveau de conscience théorique des militants est un enjeu central afin de former des cadres efficients et en mesure de mener la lutte sur le terrain, et de participer à l’actualisation théorique de la lutte des classes. Ce travail a aussi pour objectif d’éviter le piège d’un parti surplombant et déconnecté de la masse des travailleurs. Il lui incombe d’établir le plus de liens possibles avec eux et de leur donner les moyens de s’autoformer. Dans la poursuite de cette mission centrale, le parti devra recruter et former, au sein même des entreprises, publiques comme privées, ou de tout autre mouvement social que l’organisation aurait ou non impulsé, des militants de l’intérieur pour leur permettre d’accéder à un corpus de connaissances plus théorique à même d’orienter leur action révolutionnaire.

A ce titre, et s’inspirant de ce que faisait le PCF au XXe siècle, une école de formation de cadres politiques est essentielle à instituer. Cette école devrait permettre aux personnes issues des classes populaires de s’inscrire dans le champ politique en occupant des postes à responsabilité. Cela aurait un double intérêt : éviter d’enfermer les classes populaires dans une représentation assurée par des hommes et des femmes n’y appartenant pas, et donc, éviter cette relégation systématique des classes populaires à des fonctions subalternes (que ce soit dans la production ou dans le militantisme politique, syndical, associatif) ; permettre aux classes populaires de faire remonter leur expérience des dominations auxquelles elles sont confrontées dans le champ politique. Il y a là un enjeu démocratique incontournable qui a été abandonné par toutes les organisations politiques depuis la fin des années 80.

L’élévation du niveau de conscience révolutionnaire est la tâche prioritaire de l’organisation. Ce niveau de conscience peut s’éveiller spontanément par différentes luttes sociales (dans lesquelles nous intégrons la question écologique qui pour nous est une question sociale, en ce sens qu’elle postule les relations entre les êtres vivants au sein du système capitalocène) mais il ne peut atteindre un niveau de conscience révolutionnaire spontanément sans une intervention extérieure. Nous l’avons vu dernièrement dans les différents mouvements sociaux ayant secoué la France, que ce soit celui contre la loi travail, celui des Gilets jaunes ou plus récemment celui des raffineurs ; lorsque le motif de mise en grève, souvent constitué d’une exigence d’augmentation des salaires et d’amélioration des conditions de travail, est satisfait, les travailleurs retournent à leur poste et le mouvement social cesse de lui-même. L’expérience de la lutte ne disparaît pas et peut resservir à l’occasion d’une autre grève, mais cela ne suffit pas à opérer un basculement révolutionnaire autrement plus ambitieux. La fragilisation extrême des travailleurs dans la production par la pression du chômage, de la relégation sociale et symbolique, a étouffé leur conscience de classe et leurs ambitions à s’en libérer. Si l’intelligence collective, les capacités d’organisation et de solidarité peuvent se manifester à nouveau et de manière tout à fait surprenante, force est de constater que les secteurs de lutte les plus virulents sont souvent à situer du côté d’organisations comme la CGT ou Sud qui ont un passif ancien dans la lutte des classes et donc une certaine expertise du combat social. Seulement, leur direction participent de la limitation des horizons révolutionnaires des travailleurs en choisissant systématiquement la négociation au conflit social ; la défense des acquis sociaux, voire tout au plus leur amélioration, à la reprise en main de l’outil de production. C’est ici que l’organisation doit tenir sa place pour former, encourager et mener une lutte des classes dont la finalité ne pourra être qu’un renversement du mode de production capitaliste.

Aussi, l’une des missions centrales du parti est d’établir un réseau d’alliances solides à même de constituer un bloc social révolutionnaire ; ce bloc contiendra nécessairement des classes sociales hétérogènes, intégrant aussi bien la classe ouvrière que la classe intermédiaire. Ce faisant, le parti devra apporter un soutien matériel et moral à d’autres organisations ou luttes sociales sans perdre l’objectif stratégique qui est le sien. Le problème principal de notre époque étant le manque de désir révolutionnaire, un parti de masse ne peut prétendre à se réduire à une avant-garde éclairée mais bien intégrer, en son sein, des classes ou fractions de classe n’ayant pas encore accédées à une conscience révolutionnaire. Toute sa mission sera d’amener à lui et d’amener en son sein les différentes forces sociales vers cet objectif.

En somme, le parti devra établir un lien organique entre sa doctrine théorique, ses militants, et la sphère publique.

II- Quid de la lutte économique ?

Si la lutte économique, dont l’un des objectifs est de révéler au travailleur l’exploitation dont il est la victime et les causes qui la régissent, est fondamentale dans une perspective révolutionnaire, elle ne saurait être le seul terrain d’investigation du parti. D’une part, toute lutte économique s’inscrit dans un contexte professionnel spécifique ; si les causes de l’exploitation sont communes, leur rattachement à ce contexte spécifique lui est particulier. Dans le cadre d’un capitalisme ayant fait une très large place à la multiplication des situations d’exploitation, notamment à travers l’extrême division du travail et l’individuation des tâches et contrats de travail, le parti ne peut seul concentrer ses forces sur ce terrain. Pour autant, il lui revient de l’investir et de rien laisser aux organisations bourgeoises qui prétendent défendre les travailleurs en bornant leur conscience et leur aspiration à une défense – et très rarement une extension – de leurs acquis sociaux, sous réserve, de l’accord de la bourgeoisie capitaliste – tant celle à la tête des entreprises que celle à la tête de l’Etat, car par mécanisme de concentration, il s’agit à peu de choses près de la même. Ce faisant, comment l’investir ? Nous ne prétendons pas avoir des réponses parfaites et toutes faites à chaque question que nous posons, et à celles qui ne manquerons pas de nous être adressées ; c’est par la discussion que nous parviendrons à des réponses les plus adéquates possibles avec la réalité concrète. Postulons que ceux les plus à même de lutter contre l’exploitation économique dont ils sont les victimes, pour peu qu’on leur en donne les moyens matériels et pratiques, ce sont les travailleurs. Le parti devra donc fonder des associations de travailleurs. Nous devinons ceux qui répugnerons à l’emploi du terme syndicat compte-tenu du dévoiement à l’œuvre aujourd’hui mais, arrachons à l’histoire récente ce qu’elle a sali d’un mot qui a une histoire bien plus longue et glorieuse. Le parti devra établir une branche professionnelle dans lequel il investira des ressources aussi bien financières qu’humaines, dont la mission spécifique sera la lutte économique, mais inscrite dans la perspective établie précédemment de rattacher celle-ci à la lutte politique. Cette branche devra, tout comme le parti, penser un fonctionnement le plus démocratique possible en laissant une large autonomie d’action à ses membres. Le lien entre les adhérents de tels syndicats et le parti serait à clarifier. Nous aurions tendance à croire que le parti aurait tout à gagner à apporter son soutien systématique et inconditionnel à toute lutte économique, même d’inspiration bourgeoise, mais avec l’objectif affiché de permettre aux travailleurs de s’émanciper de cette vision minimaliste et légaliste, en défendant des ambitions bien plus larges que celles qui ont pu les motiver initialement et en condamnant, strictement l’approche trade-unioniste qui se borne à l’obtention de concessions salariales – toujours temporaires – de la part du patronat sans remise en cause de son existence.  

III- Le nécessaire besoin de démocratie

Cette question, nous l’entrevoyons déjà, est épineuse parce qu’elle fait écho aux affres de l’URSS et de la IIIe Internationale. Elle est pourtant décisive.

Si par démocratie on entend la souveraineté des individus sur les décisions établies et leurs applications, alors, le parti, dans ses statuts et lors des congrès qui amèneront à des amendements, devra offrir une très large place à l’autonomie comme source même de l’élévation du niveau de conscience révolutionnaire. Penser l’autonomie doit se faire par principe d’étagement ; entendu que la seule échelle locale ne saurait suffire à constituer une réponse suffisante au système d’exploitation capitaliste. A cette seule échelle, tout au plus, l’autonomie peut prétendre à une sécession relative – si tant est qu’elle n’est pas écrasée par le pouvoir global. Mais alors, elle ne fonctionne que pour elle-même détachée du reste de la société et de son sort. Ça n’est évidemment pas notre perspective. Ce que nous louons de l’autonomie à échelle restreinte, c’est la capacité qu’elle offre aux individus d’agir concrètement sur leur réalité matérielle ; mais, pour que celle-ci puisse offrir une réponse authentiquement révolutionnaire à la violence capitaliste, il faut une imbrication des échelles. L’autonomie devient alors, pour chaque échelle, une vertèbre rattachée à une colonne qui sans ne rien ôter de liberté à ses parties, donne une solidité à l’ensemble – et donc des capacités concrètes d’existence et de résistance. C’est ainsi que nous concevons l’autonomie. Pour être révolutionnaire, elle doit aller du local au global. C’est en ce sens que toutes les initiatives locales de reconquête du pouvoir sur la vie quotidienne doivent être encouragées et soutenues et des ponts établis pour que l’échelle locale puisse servir de support à l’échelle nationale, et réciproquement.

Cependant, dans toute structure, la question de la division du travail doit être posée. Ce n’est pas la même chose de participer épisodiquement ou dans un domaine particulier à l’organisation révolutionnaire que de s’y consacrer tout entier ; de même que s’y investir sur le terrain, par exemple, de la production d’idées à même de nourrir le travail de propagande et de conscience, ne revient pas à organiser des manifestations dans la rue ou les entreprises. Entendu que les êtres humains sont mus par des affects différents, et que le travail de retour à la réalité concrète doit être perpétuel, ne croyons pas un instant que les membres du parti voudront tous participer à toutes les tâches, et qu’ils s’y investiront avec le même dévouement selon qu’il faille imprimer et diffuser des tracts ou les rédiger. Parce que les aspirations seront multiples, le parti doit réussir à s’ériger avec une plasticité suffisante pour leur donner à toutes une place, sans se rigidifier et verser dans une verticalité autoritaire. A ce titre, les expériences anarchistes, social-démocratiques, ou plus récemment zapatiste, rojaviste ou zadistes, devront faire l’examen d’une étude approfondie afin de nourrir et infuser le parti dans sa construction. Il n’est pas question, et cela serait même un épouvantail à l’adhésion populaire, de construire une structure autoritaire et rigide dont le culte du chef ou d’un politburo tout puissant réveilleraient les craintes et hostilités du passé.

De plus, ces méfiances doivent orienter notre réflexion et notre pratique. La question d’un parti de masse interrogera, matériellement, celle de sa survie économique. De fait, il est nécessaire de découpler l’autonomie financière du parti de la participation à des élections, sans quoi, cela reviendrait à reproduire le mécanisme d’institutionnalisation de la contestation par assujettissement aux impératifs de reproduction matérielle. La première et principale source de financement de l’organisation doit être la participation humaine de ses membres et leur adhésion sous forme d’une cotisation qui prendra en compte les capacités de chacun et de chacune. Le parti devra donc se doter de ses propres moyens de production autonomes à même de lui assurer des revenus réguliers et stables – à ce titre, le mouvement indépendantiste basque pourrait être une source d’inspiration.

La question de la centration sur les élections devra être posée et débattue. Entendu que l’élection présidentielle est un piège phallocratique qui conduit à centrer et réduire les perspectives politiques sur un homme ou – plus rarement – une femme, il conviendra de lui rendre une juste place : nécessaire mais pas prioritaire. De même pour celle des législatives qui enferment les députés au sein du Palais Bourbon, dans une ville où les séductions du pouvoir éloignent – à tous points de vue – ses représentants des personnes qu’ils sont censés représenter. Notre action ne doit pas se réduire à la conquête de l’Etat par la voie électorale ; cette dernière doit constituer un débouché parmi d’autres pour l’action révolutionnaire, et ce en  raison de la contrainte qui pèse sur nous dans le cadre de la Ve République de l’importance de la pratique élective comme pratique politique. Cependant, la structure étatique sous régime capitaliste n’est pas neutre. L’Etat moderne accompagne la propriété privée des moyens de productions car, pour sa propre survie, il a structurellement besoin que l’économie de marché prospère car c’est d’elle dont dépendent la totalité de ses ressources (par prélèvements ou endettement). Toute l’erreur stratégique de la FI et de Jean-Luc Mélenchon est de considérer que la souplesse relative de l’Etat lui permettant d’absorber et d’institutionnaliser une contestation limitée permettrait un changement de nature de celui-ci sous la forme constituante, faisant suite aux formes instituantes et destituantes. Au contraire, et l’exemple du Chili récemment le démontre, l’instance étatique n’admet le conflit de classes qu’à la condition que celui-ci soit récupérable et vidable de ses composantes les plus radicales ; dans le cas contraire, la police, la gendarmerie et au besoin l’armée sont envoyées pour rétablir l’ordre. La conquête de l’Etat ne peut se faire sans un mouvement de masse derrière, à même de faire pression conjointement sur les réseaux de circulation et sur l’économie.

Autant que possible, c’est sur le terrain concret de la lutte quotidienne que le parti devra investir ses ressources. A ce titre, la participation aux élections municipales, départementales et régionales s’avèrent fondamentales pour constituer des îlots de résistance à même de nourrir une contre-société suffisamment puissante pour contester dans un premier temps, et renverser à terme, celle du néolibéralisme.  Les échelons géographiques modérés ont un triple avantage : ils sont plus raisonnablement gagnables ; ils évitent toute starification au sein du parti ; et ils mobilisent des acteurs locaux impliqués dans les luttes menées sur leur territoire. Sur le plan démocratique, cela offre la possibilité de confier des mandats à des femmes et des hommes ordinaires pour lesquels la politique ne serait pas un métier dans lequel faire carrière mais un temps donné et limité de leur existence. Ce faisant, il conviendrait d’instituer que toute participation à une élection, qu’elle soit suivie d’un succès ou d’un échec, ne pourrait être reconduite à la suivante. Cela rendrait impossible tout carriérisme et permettrait un renouvellement essentiel des élus – condition indispensable de toute société démocratique. S’il faut envisager de réduire autant que possible les postes de pouvoir, par la participation la plus démocratique possible de toutes et tous au processus décisionnel, lorsque cela est impossible, un principe de roulement devra être imposé. Cette rotation évitera que la structure-parti préexiste à la finalité qu’elle doit servir, sans quoi nous risquerions de voir se répéter la logique de reproduction de l’appareil du parti au détriment de ses membres. Enfin, toute déconcentration du pouvoir en des postes clés et immuables permettra de dissoudre les ambitions de pouvoir qui conduiraient certains profils à rejoindre l’organisation pour accéder à ces postes privilégiés. La démocratie au sein du parti doit permettre de contrôler les chefs et élus animés par des intérêts de carrière.

La finalité du parti est sa dissolution. Celle-ci ne sera possible qu’une fois son projet réalisé : renverser le mode de production capitaliste et la société de classes et proposer un autre modèle de société déjà opérationnel en certains lieux et à certaines échelles.

L’urgence d’une telle organisation s’impose à nous lorsque nous voyons le chemin emprunté par les forces dites de gauche, qui n’est pas sans faire écho à cette critique cinglante de la IIe Internationale, dans le manifeste de 1919 pour une IIIe Internationale : « Plusieurs dizaines d’années de travail, d’organisation et de réforme ont créé une génération de chefs dont la majorité acceptaient en paroles le programme de la révolution sociale, mais y ont renoncé en fait, se sont enfoncés dans le réformisme, dans une adaptation servile à la domination bourgeoise ». 

En conclusion, ces pistes de réflexion ne prétendent nullement à l’exhaustivité ni à la perfection ; elles sont intrinsèquement, parce que le produit d’une réflexion humaine, limitées, et elles nécessitent la mise en discussion collective pour être amendée, enrichie, contestée, et retravaillée, pour peu que cela soit fait dans le sens que nous recommandons : la constitution d’une organisation révolutionnaire qui passerait par la fondation d’un parti de masse à même de renverser le mode de production capitaliste.


Précédent Suivant