Au coeur de la lutte : les marges racisées entre asymétrie raciale, symétrie réactionnaire
Le matérialisme, en tant que méthode d’analyse des sociétés capitalistes, s’appuie sur deux piliers fondamentaux : la matérialité des conditions sociales qui façonnent nos vies et le rôle des individus, des groupes qui développent une conscience et mènent des luttes. Pourtant, dans les faits, ce courant philosophique a parfois peiné à articuler ces deux dimensions, laissant émerger une pensée divisée, incapable de comprendre pleinement les vécus des groupes minoritaires.
Au cœur de cette tension, il y a une idée centrale de Marx, souvent mal comprise, qui lie la nature de la réalité (l’ontologie) à la société. Pour Marx, la matière, qu’elle soit naturelle ou sociale ne se laisse pas modeler par la pensée de façon abstraite. La réalité matérielle impose des contraintes objectives qui structurent nos relations sociales. En même temps, la société n’est pas un simple reflet de la nature : elle est aussi le produit d’idées, de luttes et de représentations qui ont le pouvoir de la transformer.
Cependant, cette voie a été brouillée par certaines lectures naturalistes (la société est expliquée par les lois immuables de la nature) ou téléologiques (l’histoire est vue comme un parcours inévitable vers un but prédéterminé) qui ont figé l’histoire dans un récit linéaire, masquant les contradictions spécifiques liées aux corps, aux genres et aux races.
C’est précisément pour combler ces angles morts que des contre-récits, portés par les groupes racisés, ont émergés. Le véritable enjeu est donc de repenser le matérialisme, en restant fidèle à sa rigueur tout en l’ouvrant aux expériences situées, afin de sortir l’antiracisme à la fois de l’impasse de la reconnaissance institutionnelle et du risque de dissolution dans une reconnaissance purement populaire. À partir de ce constat, ce texte se propose d’explorer quelques moments historiques où les trajectoires des catégories racisées ont été prises en étau entre ces deux formes de reconnaissance, afin de mieux comprendre les stratégies déployées, leurs contradictions, mais aussi les horizons qu’elles dessinent
L’analogie ontologie ↔ société : une structure significative, non une essence.
L’approche matérialiste de Marx, centrée sur les contradictions et les mouvements du monde réel, offre un cadre d’analyse pertinent. Pour en saisir la portée et éviter les simplifications, il est essentiel de faire une analogie structurante au cœur de sa pensée : le lien entre le matérialisme ontologique (le matérialisme de la nature) et le matérialisme historique (social).
Cette analogie met en lumière une relation déséquilibrée entre la matière et les idées, aussi bien dans la nature que dans la société. Dans la nature, cette asymétrie est évidente : les lois physiques, comme le fait que l’eau bout à 100°C, s’appliquent indépendamment de nos pensées ou de notre volonté. Ce n’est pas notre conscience qui détermine le comportement de la matière mais c’est l’inverse : la matière dicte ses lois, de manière fixe.
Marx transpose cette logique à la société. Les forces productives (outils, techniques, ressources) forment une base matérielle qui impose des contraintes, un peu comme les lois de la nature. Elles influencent le développement des sociétés, indépendamment de notre volonté. On ne découpe pas une carcasse de gibier avec des concepts, mais avec des outils tranchants [1].
Mais, à la différence de la nature, la société n’est pas entièrement déterminée par ces contraintes. Les idées, c’est-à-dire les rapports sociaux, ont une influence réelle. Elles modifient, orientent et reconfigurent, jusqu’à un certain point, les structures matérielles. Par exemple, l’invention de la roue n’est pas seulement le résultat mécanique d’un besoin : c’est une réponse humaine, qui dépend de représentations et d’intentions [2].
L’objectif de cette comparaison n’est donc pas de naturaliser le social, ni d’imposer une hiérarchie rigide entre la matière et les idées. Elle permet de penser le poids des conditions matérielles sans nier leurs capacités à être transformées. Si les forces productives jouent un rôle structurel analogue à celui des lois physiques, elles restent toutefois façonnées par l’histoire, les représentations et les pratiques.
Certains penseurs marxistes ont cherché à étendre cette analogie jusqu’à faire de la dialectique (une méthode d’analyse qui envisage le réel comme un processus dynamique), une loi universelle, valable pour l’ensemble de la réalité. C’est le projet d’une « dialectique de la nature », selon lequel les contradictions sociales seraient le prolongement de contradictions déjà à l’œuvre dans la matière elle-même [3].
Mais cette généralisation pose problème. Elle tend à enfermer l’histoire dans un schéma où tout dépassement serait automatique, comme si toutes les formes de domination par exemple le racisme ou le sexisme, devaient nécessairement disparaître avec le développement des forces productives. Or, si la matière est bien universelle, ses effets varient selon les positions sociales. Ignorer cette matérialité différentielle, c’est risquer de prendre une expérience historique particulière, occidentale, masculine, blanche, pour une loi générale.
C’est cette confusion entre nature, histoire et position sociale qui a affaibli la portée du matérialisme. Elle nécessite aujourd’hui un retour critique, capable de penser la structure sans l’essentialiser, et la transformation sans l’universaliser.
La dialectique de la nature : un projet de totalisation sous couvert de matérialisme
Dans La Dialectique de la nature, rédigée par Engels entre 1873 et 1883 (avec des ajouts jusqu’en 1886) et publiée après sa mort, celui-ci défend l’idée que les lois de la dialectique matérialiste s’appliquent à l’ensemble du réel, des sociétés humaines aux phénomènes naturels. Il y formule 3 principes majeurs.
Le premier principe est celui du passage de la quantité à la qualité, qu’il illustre par l’exemple de l’eau qui, en chauffant progressivement, finit par bouillir. La deuxième avance que toute chose contient en son sein des forces opposées dont la tension provoque des transformations. Enfin, le troisième principe qu’il nomme « la négation de la négation » décrit un dépassement dialectique où une réalité se transforme en conservant certains traits, à la manière d’une graine qui devient plante, puis fruit porteur de nouvelles graines.
Cependant, ces principes, bien qu’éclairants, ne peuvent être érigés en lois universelles et valables en toutes circonstances. Même les exemples empruntés à la nature sont conditionnés par des contextes précis.
Par exemple, l’eau ne bout pas systématiquement à 100 °C. A 3 000 mètres d’altitude, son point d’ébullition avoisine les 88 °C. Le rapport entre quantité (température) et qualité (état physique) dépend donc des conditions environnantes. De la même manière, une tension interne ne débouche pas nécessairement sur une transformation. Certaines oppositions peuvent persister sans produire de changement, comme dans des conflits sociaux figés ou des rapports de domination stabilisées par l’inertie. Quant à « la négation de la négation », elle suppose une progression ascendante, alors que l’histoire est loin d’être un processus linéaire : une graine peut ne pas germer ou donner un fruit moins robuste que la plante dont elle est issue.
Le parallèle entre nature et société servait initialement à penser des processus de transformation à différentes échelles, sans pour autant les confondre. Cependant, en étendant excessivement cette analogie, Engels transforme une méthode critique, historiquement et socialement située, en une ontologie généralisante.
Lucien Sève a exprimé cette critique de façon particulièrement incisive dans Sciences et dialectiques de la nature (1998) [4]. Selon lui, Engels reconstruit une dialectique rigidifiée applicable mécaniquement à tous les domaines du réel, ce qui entre en contradiction avec la méthode historique et critique de Marx.
Ce glissement a des conséquences politiques importantes. Il amène à présenter les rapports sociaux comme des étapes nécessaires d’un développement déjà déterminé. Le socialisme cesse alors d’apparaître comme le résultat de luttes concrètes pour devenir l’aboutissement prédéfini d’un processus naturel universel.
Cette dérive a pu servir à justifier des formes d’uniformisation culturelle, de sécularisation forcée, au nom du progrès historique. En réduisant les différences culturelles, religieuses ou subjectives à de simples résidus archaïques, ce marxisme positiviste a souvent nié la possibilité même d’un conflit politique réel fondé sur la race ou le genre.
Dans ce cadre, l’universalisme matérialiste peut parfois fonctionner comme un masque. On exige des dominé·e·s, qu’ils et elles s’intègrent à des cadres de lutte conçus par et pour des ouvriers occidentaux, comme si leurs conditions matérielles étaient interchangeables. C’est un peu comme si une personne vivant en altitude s’étonnait que d’autres, au niveau de la mer, mettent plus de temps à cuire leurs pâtes. Il existe bien une matérialité commune, comme la gravité, mais celle-ci produit des effets différents selon les contextes. Ignorer ces différences revient à exclure certaines expériences des luttes collectives, ce qui génère frustrations et divisions.
Les luttes féministes et antiracistes ont précisément mis en crise cette téléologie (cette vision déterministe et linéaire de l’histoire). Elles ont révélé l’arbitraire d’une prétendue universalité, en faisant émerger des subjectivités irréductibles aux catégories traditionnelles du marxisme.
Matérialiser la race, défaire la fausse conscience
Dans Materializing Race [5], Charles Mills montre que Marx et Engels, en cherchant à rompre avec les approches déterministes et l’anthropologie naturaliste de leur époque, ont paradoxalement fragilisé leur propre édifice théorique. Ce geste, compréhensible dans son contexte historique, les a conduits à négliger une dimension essentielle de la matérialité : celle des corps socialement et historiquement situés.
À partir de là, on peut comprendre comment, au sein du camp progressiste, deux approches se sont dessinées au fur et à mesure : d’un côté, le matérialisme de Marx et Engels, de l’autre, l’humanisme hérité des Lumières. Conçu pour corriger le matérialisme bourgeois, le marxisme n’en demeure pas moins porteur de ses propres biais et limites.
La première approche, humaniste bourgeoise, considère le racisme comme une anomalie historique qu’il suffirait de corriger. Elle se donne pour mission d’accompagner les dominé.e.s vers l’émancipation mais selon une trajectoire déjà balisée par ceux qui se pensent plus avancés. La différence y est tolérée, à condition de rester encadrée et guidée.
La seconde approche, plus radicale et issue du camp ouvrier, ne cherche pas à accompagner les différences mais à les dissoudre dans un universel abstrait. Les individus racisés y sont perçus comme des corps en retard, qu’il faudrait aligner sur une norme supposée neutre, déjà constituée.
Malgré leurs divergences, ces perspectives partagent une identité commune : celle d’un sujet pensant situé en extériorité, comme s’il avait tacitement transcendé la nature. Libéré des déterminismes matériels, il incarne une conscience abstraite, détachée du corps. Charles Mills, dans sa critique de la modernité dont se réclament ces deux visions du monde, montre comment s’est construit ce sujet politique prétendument universel « le prétendu sujet politique universel est en réalité un sujet racialisé blanc, qui ignore la matérialité et l’histoire spécifiques des corps racialisés » [6].
Comme il l’explique également dans Le contrat racial (1997), cette prétendue émancipation n’est pas le résultat d’un véritable dépassement, mais d’un contournement historique permis par la richesse, l’esclavage ou l’empire. Ainsi, ces courants reconduisent une vision linéaire et figée de l’histoire (téléologique), où certaines classes seraient parvenues à maturité politique, tandis que d’autres n’en seraient encore qu’aux prémices. La gauche réformiste qui moralise l’émancipation en valorisant les droits, ainsi que la gauche révolutionnaire qui fétichise un matérialisme abstrait, oublieux des corps et de leur historicité, rejouent une division ancienne que Marx souhaitait dépasser.
Or, race et genre n’ont pas été produits dans ce schéma binaire. Leur émergence, hors du dualisme entre idéalisme et matérialisme parvient à articuler position sociale, corporalité et historicité, sans réduire la pensée à la morale ni dissoudre le corps dans une neutralité factice. Là où le marxisme échouait parfois à concilier matérialité et subjectivation, ce sont aujourd’hui ces catégories minorées qui rendent à nouveau pensable une dialectique, c’est-à-dire une approche dynamique, située.
Et c’est à travers des exemples concrets, comme celui d’une femme noire de classe populaire vivant l’oppression capitaliste non seulement comme une dépossession économique mais aussi comme un mépris de son accent, un contrôle de son corps ou encore une hiérarchie raciale des tâches qu’il est possible de relancer le chantier dialectique.
Après ce long développement, la manière dont le racisme est pris en charge par les appareils politiques, qu’ils soient réformistes ou révolutionnaires, se révèle peu à peu. Il ne s’agit pas simplement d’un retard idéologique mais d’un mode spécifique de gestion des dominations, hérité d’une histoire téléologique de l’émancipation. Cette contradiction entre discours égalitaire et ordre inégalitaire repose sur une structure mentale propre au capitalisme. Comme le souligne Lukács, les formes de pensée abstraite « ne sont pas des erreurs fortuites de la connaissance, mais les formes nécessaires d’un mode de vie historiquement déterminé » (Histoire et conscience de classe, Éditions de Minuit, 1960, p. 129) [7]. C’est de cette double négation, par la morale bourgeoise comme par l’aveuglement classiste, que naissent les luttes des groupes marginalisés, qui, loin de chercher à s’extraire du camp ouvrier, aspirent à y réinscrire leur place en démantelant la blanchité persistante.
Entre vitrine et exclusion : la reconnaissance bourgeoise face aux marges
Comme l’a montré Lukács dans Histoire et conscience de classe, la bourgeoisie, inscrite dans un système économique qui cloisonne les sphères de la vie, les rapports humains, est structurellement incapable d’avoir une vision totalisante de la société. Il en découle une conscience limitée, productrice d’un humanisme moralisant, partiel, incapable de saisir les tensions profondes de la réalité sociale [7]. Ainsi, même les engagements progressistes sincères aboutissent à des politiques d’inclusion symbolique où les luttes deviennent des « enjeux de diversité », le racisme une simple « intolérance » et les opprimé·es des figures morales dépolitisées.
Ce moralisme se manifeste dans la manière dont la bourgeoisie aborde les oppressions. Plutôt que d’en interroger les causes historiques et économiques, elle les réduit à des attitudes individuelles ou à un déficit de tolérance. Le racisme devient une question de mœurs non un mécanisme fonctionnel à la hiérarchisation capitaliste. Cette réduction permet à la bourgeoisie de conserver ses privilèges tout en se donnant l’image d’une classe éclairée, garante de l’universel.
Ce traitement a des effets destructeurs sur les groupes marginalisés. Leur reconnaissance, souvent conditionnée à leur conformité aux normes bourgeoises, devient une vitrine. On y met en scène le progrès social, sans transformer les structures d’exclusion. Aux yeux d’une partie des classes populaires, ces groupes semblent alors « favorisés » par une attention dont eux-mêmes sont privés. Loin de susciter une solidarité des dominé·e·s, cette reconnaissance inégalitaire alimente une concurrence des souffrances. Pris en étau entre ces deux sphères, l’une intéressée, l’autre méfiante, les groupes marginalisés sont tour à tour perçus comme complices du système ou comme corps étrangers, devenant ainsi les boucs émissaires disponibles à toutes les formes de violences.
L’émancipation formelle des juifs en 1791 illustre cette dynamique. Comme le souligne Hannah Arendt, leur intégration s’est opérée au prix de l’abandon de toute appartenance collective : « Les juifs sont devenus les représentants idéaux de la nation bourgeoise, parce qu’ils étaient exclus de toutes les autres appartenances » [10].
Au XIXe siècle, si certains juifs accèdent à des fonctions symboliques au sein des institutions républicaines, ils restent sous-représentés dans les milieux populaires. Michel Winock observe ainsi : « Les juifs furent surreprésentés dans les professions libérales, dans le journalisme, dans la magistrature. Ils étaient peu présents dans l’armée, quasiment absents dans le monde ouvrier » [11].
L’affaire Dreyfus illustre clairement cette tension. Une partie du mouvement ouvrier refusa initialement de soutenir un officier juif persécuté, estimant que l’antisémitisme ne relevait pas de leur combat. Jean Jaurès lui-même fit preuve de prudence : en décembre 1897, dans le quotidien « La Petite République » de tendance républicaine, il écrivait qu’il ne fallait pas « compromettre l’indépendance du parti ouvrier pour une affaire militaire ». En février 1898, dans le périodique Le Socialiste, il affirmait que les prolétaires ne devaient pas être « les auxiliaires des bourgeois radicaux dans une lutte qui n’est pas la leur » [8].
Plus grave encore, certains leaders socialistes, comme Jules Guesde, considéraient l’affaire Dreyfus comme une simple querelle interne à la bourgeoisie. En 1898, il affirmait que les socialistes ne devaient pas être « les instruments d’une guerre intérieure à la bourgeoisie » [8]. De leur côté, les syndicalistes révolutionnaires tels qu’Émile Pouget percevaient cette affaire comme un spectacle destiné à renforcer la légitimité de la République et non comme une cause véritablement populaire [9].
Ce n’est qu’après le J’accuse de Zola que Jaurès modifia sa position. Dans Les Preuves (1899), il reconnaît que l’affaire révèle l’emprise réactionnaire sur la République et qu’il devient nécessaire pour les socialistes de s’y engager. Mais ce revirement souligne un fait fondamental : l’affaire fut d’abord portée par les milieux bourgeois journalistes, avocats, universitaires, bien plus que par le mouvement ouvrier.
Cette intégration sélective rend les minorités visibles comme cautions, mais vulnérables comme cibles. L’affaire Dreyfus montre comment une minorité peut devenir le terrain d’affrontement entre une bourgeoisie qui l’instrumentalise pour affirmer son universalisme et un monde ouvrier qui refuse d’en faire une cause partagée. Ce clivage entre reconnaissance institutionnelle et rejet populaire traverse l’histoire du camp progressiste. A chaque inclusion symbolique décidée « par en haut », le soupçon grandit dans les classes populaires. Les dominé·e·s se retrouvent doublement exclus : marginalisé·es par l’ordre existant et suspecté·es de complicité lorsqu’ils obtiennent une reconnaissance partielle. Chaque fois qu’une identité marginale est « reconnue », c’est souvent à condition qu’elle corresponde aux attentes de la bourgeoisie. Elle devient alors vitrine plutôt qu’actrice, un simple instrument de légitimation faute d’un projet politique capable d’articuler émancipation et luttes sociales.
La non-reconnaissance initiale de ces groupes par une partie du mouvement ouvrier était aussi l’occasion d’isoler une minorité identifiable. Tandis qu’il était difficile de cibler les grandes familles influentes, les personnes juives symbolisés notamment par Rothschild, représentaient une figure visible et commode à incriminer, économisant ainsi le travail pour désigner des ennemis plus nombreux et diffus. Cette construction d’un « juif de l’élite » permettait aussi de masquer la réalité des juifs pauvres, nombreux mais invisibilisés, dont la présence aurait pourtant troublé l’apparente cohérence de ce récit.
Mais que se passe-t-il lorsque la cible n’est plus une élite, mais un groupe minoritaire, très pauvre et massivement populaire ? Comment s’organise alors la reconnaissance ouvrière face à celles et ceux que la République n’a ni intégré ni encore récupéré politiquement ?
À partir des années 1980, les luttes antiracistes connaissent un regain d’intensité, portées par une nouvelle génération issue de l’immigration postcoloniale. La Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, dite « Marche des Beurs », marque un tournant. Pour la première fois, des enfants d’ouvriers immigrés s’affirment comme sujets politiques, refusant de rester assignés au silence. Mais cette irruption n’est pas accueillie de manière homogène à gauche. Si certains segments du christianisme social, comme les prêtres-ouvriers ou la « deuxième gauche », perçoivent dans ces mobilisations un prolongement des combats égalitaires (cf. les engagements de figures comme le père Christian Delorme ou le soutien de certains militants CFDT), la gauche ouvriériste et syndicale se montre plus distante, voire hostile. Elle perçoit dans ces revendications une concurrence, un éclatement de la cause commune au lieu d’y reconnaître une actualisation de ses propres combats.
Cette distance est analysée par des auteurs comme Abdellali Hajjat et Stéphane Beaud, qui soulignent l’incapacité d’une certaine gauche à penser les rapports de race comme structurants au sein même des classes populaires [12].
Tandis que la gauche radicale hésite à intégrer ces voix au cœur de son logiciel, la gauche institutionnelle, en pleine rupture avec le monde ouvrier y voit l’opportunité d’un renouveau moral à bas prix. L’égalité est réinterprétée comme intégration culturelle, non comme transformation des rapports sociaux. Par ailleurs, la récupération médiatique et institutionnelle de cet événement et sa requalification en « Marche des Beurs » a contribué à neutraliser sa portée politique initiale, comme l’ont analysé notamment Ahmed Boubaker [13] et Saïd Bouamama [14]. Le slogan « Touche pas à mon pote » remplace dès lors la dénonciation des discriminations structurelles.
À travers la création de SOS Racisme, le Parti Socialiste construit une version édulcorée de l’antiracisme : festive, moraliste, centrée sur la tolérance et l’individualisme citoyen. Cette opération permet de désamorcer la charge politique des mobilisations issues des quartiers populaires, tout en se redonnant une image progressiste. Ce discours alimente une concurrence dans les milieux populaires, où les classes laborieuses blanches, déjà délaissées par la gauche, perçoivent dans l’ascension médiatique ou associative des racisés une injustice supplémentaire.
Loin d’apparaître comme les héritier·ères des luttes ouvrières et coloniales, ces militant·es sont assimilé·es à une « cinquième colonne » « favorisée » par la politique de la ville, au détriment des « vrais pauvres » ou des « oublié·es de la République ». L’antiracisme est alors disqualifié parce que perçu une cause importée au lieu d’une lutte inscrite dans la continuité historique du mouvement ouvrier.
La reconnaissance bourgeoise agit encore une fois comme un piège : en accordant une visibilité conditionnelle aux luttes antiracistes, elle en fait disparaitre le fond subversif, les expulse de leur enracinement prolétarien en les accusant de trahir la cause collective. Cette impasse stratégique, déjà visible dans l’affaire Dreyfus, se rejoue à chaque tentative d’articulation entre classe et race. Loin d’avoir échoué par défaut d’universalité, ces mouvements échouent parce qu’ils sont refoulés par une gauche incapable d’assumer ses propres contradictions raciales.
Face à cela, certaines stratégies politiques tentent de contourner cette stratégie de l’effacement en encourageant une forme de reconnaissance dite « populaire », présentée comme plus efficace.
Anti-impérialisme et lumpenprolétariat : stratégies de contournement
Avant d’aller plus loin, il faut examiner les reconfigurations idéologiques actuelles. Deux notions, a priori éloignées, se sont croisées : l’anti-impérialisme en France et le lumpenprolétariat. Leur rencontre, presque accidentelle, a produit de nouvelles façons d’éluder les contradictions liées au racisme.
Cette convergence n’a pas été consciente ni directe. Elle est apparue dans des contextes de crise, comme une stratégie politique et symbolique. Elle a donné naissance à un récit adressé aux personnes racisées. Ce récit combine deux dimensions : d’un côté, le refus de toute reconnaissance institutionnelle, de l’autre, une volonté de mettre en lumière les angles morts du mouvement ouvrier. Mais cette configuration, qui prolonge une dialectique déjà affaiblie, s’adresse à une masse racisée que la gauche radicale peine toujours à intégrer.
L’anti-impérialisme a évolué : d’une critique radicale du capitalisme dans sa phase ultime, il est devenu, bien souvent, l’outil de bureaucraties nationales. Dans les luttes de libération et les décolonisations, il a souvent reconduit l’idée que les minorités devaient s’effacer derrière un acteur dominant censé porter seul l’histoire. Cette approche linéaire a ainsi retrouvé une vigueur face à l’affaiblissement de l’expérience communiste en Europe centrale et de l’Est. Elle a aussi permis à certains de se réclamer d’un antiracisme censé combler les insuffisances des marxistes de la Deuxième Internationale [15].
Ici, je ne considère pas l’anti-impérialisme comme une simple grille théorique mais plutôt avant tout une méthode de stratégie politique de lutte nord/sud souvent fantasmée, par rapport à sa forme plus cohérente centre/péripherie Le mode entier est impérialiste car le monde entier est capitaliste, c’est une question de degré mais sous prétexte d’une urgence révolutionnaire, cette méthode pro/anti tente de fonctionner comme un filtre : elle légitime certains choix, fixe des priorités et neutralise la critique interne. [16].
Dans le marxisme, la bourgeoisie nationale, même conservatrice ou réactionnaire, est considérée comme jouant un rôle progressiste nécessaire avant une transformation sociale radicale. Transposée hors du contexte de Marx et des luttes anti coloniales direct du XXème siècle, dans des pays occupés, cette hypothèse peut conduir à justifier des compromis avec des forces peu favorables au changement, au détriment des luttes populaires [17]. Cette logique étapiste demeure encore aujourd’hui : en France comme dans certains pays du Sud, la priorité donnée à l’opposition à l’impérialisme, souvent réduite à la seule puissance américaine, a brouillé les lignes politiques et ouvert la voie à des alliances inattendues, voire contre-productives, avec des forces ouvertement réactionnaires dont les aspects seront examinés ici.
L’anti-impérialisme en France : du gaullisme aux recompositions souverainistes
Ainsi en France, on a vu l’absurdité d’un anti-impérialisme cristallisé autour de la figure du gaullisme. Les souverainistes et mêmes certains communistes ont pu présenter la résistance de De Gaulle à l’hégémonie américaine comme une posture anti-impérialiste, alors même qu’il restait attaché à une vision impériale de la France et hostile aux mouvements ouvriers. Cette construction a été érigée en récit fondateur : faire passer pour la continuité du Conseil National de Résistance (CNR) ce qui relevait en réalité d’une alliance « au-dessus des classes », justifiée par le salut national et présentée comme à l’origine du miracle des Trente Glorieuses [18].
Ce tournant a permis d’activer une soit disant matrice gaullo-communiste, forme renouvelée de souverainisme : l’anti-impérialisme s’est déplacé vers l’Union européenne, vue comme un relais du pouvoir américain, notamment à travers l’OTAN [19] et la construction européenne. Cette évolution a ravivé le mythe d’une souveraineté nationale progressiste et permis à des forces hétérogènes, de la gauche radicale aux nationalistes conservateurs, de se rassembler autour d’un même récit, celui d’une France trahie par ses élites et soumise à un impérialisme technocratique déterritorialisé [20].
Ce récit confus présente la France comme une périphérie vassalisée et donc potentiellement libérable, plutôt que comme une puissance impériale à combattre. Plusieurs acteurs politiques opportunistes s’en sont emparés : l’UPR, dans une version institutionnelle et technocratique ; le Front national, avec une orientation xénophobe ; et enfin Alain Soral, dont le projet national-populaire multiethnique mérite une attention particulière [21].
Le lumpenprolétariat : de Marx à Soral
Le lumpenprolétariat (ou lumpen) est un concept inventé par Karl Marx. Il désigne les franges les plus marginalisées de la société : personnes sans emploi stable, vivant de petits trafics ou d’activités illégales. Marx considérait que ce groupe pouvait être instrumentalisé à des fins contre-révolutionnaires. À l’époque, cette catégorie visait une population bien précise : les classes populaires de Paris au XIXe siècle, sans référence à la question raciale.
Michel Clouscard, philosophe marxiste proche du Parti communiste, interprète avec clairvoyance Mai 68 non comme une rupture révolutionnaire, mais comme le moment où le capitalisme fordiste se recompose en intégrant les aspirations libertaires issues de la contestation. Cette mutation inaugure une société de consommation où l’émancipation collective se trouve remplacée par l’accès individuel aux biens et aux loisirs dans les pays occidentaux, accès permis par l’exploitation des périphérie et les débuts des délocalisations. Passant de société industrielles à société de service, Clouscard montre ainsi que la liberté promise par le néolibéralisme ascendant n’est qu’un prolongement du système productif, qui maintient la domination tout en la rendant plus séduisante, en déplaçant l’exploitation vers la périphérie où s’extrait la valeur nécessaire au confort des sociétés occidentales. Michel Clouscard mobilise le concept de lumpenproletariat pour montrer comment, les exclus de cette consommation ont pu apparaitre pour certains penseurs critiques comme un nouveau sujet révolutionnaire. Le lumpen désigne alors les figures marginales valorisées par la culture libérale-libertaire : le dealer, le vagabond, le « déviant sexuel », le consommateur de plaisirs sans produire. À ce stade, il ne s’agit pas encore d’une question raciale mais d’une critique morale et politique de certaines positions dans l’économie capitaliste.
À partir des années 2000, Alain Soral réinterprète cette catégorie clouscardienne du lumpen et l’applique aux jeunes racisés des quartiers populaires. Dans son discours, ces jeunes deviennent le nouveau lumpen : figures déviantes, violentes et parasitaires. Là où Clouscard parlait d’une position morale, Soral racialise la figure. Le dealer devient l’archétype du jeune arabe ou noir de banlieue, accusé de complicité avec le capitalisme par son mode de vie, sa consommation ostentatoire et son supposé désengagement vis-à-vis de la France du travail.
Soral va jusqu’à associer le rap à cette image :« Le rap, c’est la musique du lumpenprolétariat, une sous-culture encouragée par le système pour canaliser la révolte des jeunes des quartiers vers des débouchés inoffensifs : le consumérisme, l’égotrip et la violence interindividuelle. » (Comprendre l’Empire, 2011)
La figure du lumpen devient ainsi un code racial déguisé. Derrière le vocabulaire marxiste se rejoue en réalité une guerre culturelle où les groupes racisés sont accusés d’être responsables de la dissolution du peuple [23].
Beaufs et barbares : une égalité-réconciliation illusoire
Pour comprendre l’attrait d’Alain Soral sur certains groupes marginalisés, il faut revenir aux années 1980. C’est à ce moment que s’opère la marginalisation des luttes menées par les enfants issus de l’immigration.
Plusieurs occasions ont été manquées pour intégrer ces luttes au mouvement ouvrier. L’islamophobie, héritée en partie des Lumières et comparable à la judéophobie et prolongée par l’anticlericalisme, s’est inscrite dans un processus de racialisation et d’altérisation. Elle a parfois été relayée dans les discours ouvriers eux-mêmes, pourtant critiques de l’universalisme abstrait. La grève des ouvriers immigrés de l’usine Talbot à Poissy en est un exemple. Ce moment de revendication collective a été dépolitisé et transformé médiatiquement en affaire religieuse, assimilée à un soutien à l’Iran. Pierre Mauroy évoquait des « travailleurs immigrés agités par des groupes religieux » (Le Monde, 29 janvier 1983). Gaston Defferre parlait même de « grèves saintes intégristes » (Europe 1, 26 janvier 1983).
Cette marginalisation s’est rejouée lors de la Marche pour l’égalité et contre le racisme. L’élan des jeunes y a été neutralisé par des stratégies institutionnelles visant à encadrer l’expression politique des populations immigrées. Dans les années 2000, le même processus s’est répété, retardant la politisation des quartiers populaires et ouvrant un espace à des figures comme Alain Soral.
Le 11 septembre 2001 et l’invasion de l’Irak en 2003 offrent alors à Soral un contexte favorable. Il recycle aussi la critique du libéral-libertaire formulée par Clouscard dans Critique du libéralisme libertaire (1973), qui voyait une partie des acteurs de Mai 68 comme de faux révolutionnaires. Cristallisé par sa formule « sous les pavés, Le Pen » Clouscard prédisait que leur vision du monde hédoniste annoncerait dans le futur une réaction conservatrice. Là où Clouscard dénonçait l’hédonisme marchand comme facteur de dissolution de la lutte des classes, Soral, lui, en fait une critique globale du progrès. Il présente la réaction non plus comme une conséquence du capitalisme, mais comme le destin inévitable du progressisme. Cette lecture trouve un terreau favorable dans les années 2000, quand un confusionnisme venu d’en haut voit un rapprochement s’opérer entre la gauche libérale-libertaire, incarnée par Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann, et la droite réactionnaire, qui s’appuie sur la mobilisation de discours progressiste pour justifier des invasions impérialistes.
Soral, dès lors, construira un confusionnisme « par en bas », par un bricolage idéologique rouge-brun mêlant marxisme, proudhonisme et rhétorique nationaliste qui se présentera comme une alternative aux élites libérales-libertaires et à la droite pro-américaine. Cet assemblage s’appuie sur un anti-impérialisme douteux, hérité d’une gauche obsédée par les États-Unis, et rappelle certaines dynamiques populistes d’Amérique latine [24]. Des figures comme Hugo Chávez ou Thomas Sankara, dont le combat était d’abord contre la France néocoloniale, serviront de caution à son discours pour lui donner un vernis de gauche radicale et trans-raciale. Il en résulte un espace militant multiethnique figé dans une vision manichéenne : un camp du bien contre un camp du mal, où l’impérialisme culturel américain devient la cause unique des injustices mondiales.
Soral est ainsi le premier, dans les années 2000, à ouvrir un espace de parole radical destiné aux enfants d’immigrés, non pas pour construire une conscience sociale transformatrice, mais pour les assigner de nouveau au lumpenprolétariat. Leur salut passerait, selon lui, par un retour aux « valeurs traditionnelles », censées constituer un rempart contre la décadence des élites jugées traîtresses. Derrière son mot d’ordre d’« Égalité et réconciliation », se cache en réalité une pseudo-fraternité cherchant à dissoudre la question raciale dans un front conservateur et réactionnaire.
Houria Bouteldja, une des figures de l’antiracisme en France, ancienne membre du Parti des indigènes de la république (PIR), en s’appuyant sur les mêmes présupposés que Soral sur les groupes marginalisés, propose une refondation populaire trans-raciale autour d’un Frexit décolonial. Ce dernier s’appuierait sur les affects et fragilités économiques des « petits blancs » pour construire des coalitions politiques et pour libérer la France de sa supposée vassalisation. La marginalité, quant a-t-elle, est utilisée comme un levier conservateur où les affects sont présentés comme le garde-fou d’une classe ouvrière blanche jugée dévirilisée et dissoute dans la société de consommation. [25]
Cette alliance ne rompt en rien avec l’asymétrie raciale pourtant au cœur des luttes antiracistes. La place accordée aux personnes racisées, loin de constituer une véritable reconnaissance, repose sur un imaginaire raciste qui parcours l’histoire de France. Dès les années 30, les Croix-de-Feu, une organisation d’extrême droite française avait déjà tenté une stratégie similaire pour mobiliser les populations coloniales. Cette stratégie consistait à instrumentaliser les soldats coloniaux décorés en les présentant comme une « jeunesse virile et brutale » pour les opposer à une jeunesse métropolitaine décrite comme « dégénérée » et « efféminée » (Samuel Kalman, French Colonial Fascism : The Extreme Right in Algeria 1919–1939, Palgrave Macmillan, 2013).,
En adoptant cette approche, Bouteldja entérine elle aussi implicitement, comme Soral, que les groupes marginalisés relèveraient du lumpenprolétariat. Elle leur propose, dans la droite ligne de la perspective soralienne, une issue à la crise misant sur un dépassement de l’asymétrie raciale héritée de l’histoire coloniale par une symétrie d’ordre conservateur et réactionnaire.
La proposition de Soral a été largement rejetée dans les milieux militants de gauche radicale. En revanche, celle de Bouteldja a trouvé un écho favorable dans certains secteurs de cette même gauche. Cela pose une question centrale : pourquoi certaines stratégies conservatrices, qui utilisent les marges comme levier, sont-elles rejetées dans un cas et tolérées dans un autre ? Cette asymétrie mérite d’être interrogée pour comprendre les logiques de validation des discours au sein de la gauche anti-impérialiste restée prisonnière d’une vision romantique et fétichisée des luttes des groupes marginalisés.
Les limites d’une politisation par les affects
Le parcours que nous avons retracé montre que la question raciale, loin d’être un simple ajout au marxisme, en met à nu les contradictions internes. À chaque époque, les groupes racisés ont été pris dans un double piège : celui de la reconnaissance institutionnelle qui les intègre au prix de leur neutralisation politique ; et celui de la reconnaissance populaire qui les renvoie à une identité close. Dans les deux cas, la race cesse d’être un rapport social pour devenir une catégorie morale, tantôt célébrée, tantôt redoutée.
La politisation par les seuls affects, aussi spectaculaire soit-elle, ne peut constituer qu’un moment transitoire. Au lieu d’analyser ces formes affectives de retour aux traditions comme des moments provisoires de recul, elles sont valorisées comme antidotes au progrès et à la modernité. Les populations issues de l’immigration se retrouvent encore décrites comme guidées par des affects archaïques, imperméables à l’école et aux luttes sociales. Pourtant, l’histoire des quartiers populaires montre au contraire leur rôle moteur dans de nombreuses mobilisations. Dans d’autres contextes, marqués par l’échec des révolutions bourgeoises et la faillite des États, les groupes racialisés ont pu être enfermés durablement dans ce registre affectif. Mais la situation en France est différente. Malgré les discriminations, les héritiers de l’immigration ont eu accès à l’école et aux institutions. Leur histoire, malgré les tentatives de la gauche et de la droite de les stigmatiser comme « barbares », s’inscrit dans celle d’une classe ouvrière qui a toujours cherché à conquérir des droits sociaux plutôt qu’à se replier dans une logique réactionnaire.
Ainsi, la politisation par les affects ne peut être un horizon politique. Elle représente au mieux une étape d’expression et de cristallisation mais sans véritable dynamique de transformation. La véritable tâche consiste à transformer l’indignation en conscience historique organisée. C’est seulement dans ce cadre qu’un avenir commun peut être projeté et que des transformations durables peuvent voir le jour.
Références
[1] Karl Marx – Le Capital, Livre I. (Pour l’analyse des forces productives, de la base matérielle et de la praxis.)
[2] Karl Marx & Friedrich Engels – L’Idéologie allemande. (Sur la distinction entre infrastructure et superstructure, et le rôle des idées.)
[3] Friedrich Engels – Dialectique de la nature. (Texte posthume souvent critiqué, central pour comprendre la généralisation problématique de la dialectique à la nature.)
[4] Lucien Sève – Sciences et dialectiques de la nature. (Pour une critique des usages abusifs de la dialectique naturalisée dans la tradition marxiste post-engelsienne.)
[5] Charles W. Mills – “Materializing Race”, in Social Identities, 1998. (Pour une lecture matérialiste de la race, articulée aux rapports de pouvoir historiques et structurels.)
[6] Charles W. Mills – The Racial Contract, Cornell University Press, 1997. (Sur le caractère structurel et fondateur du racisme dans la modernité politique occidentale.)[
[7] Georg Lukács – Histoire et conscience de classe, Éditions de Minuit, 1960.
[8] Pierre Ragon – Les socialistes français et l’affaire Dreyfus, PUF, 1971.
[9] Émile Pouget – Les Illusions révolutionnaires, 1909.
[10] Hannah Arendt – Les Origines du totalitarisme, 1951.
[11] Michel Winock – Le Siècle des intellectuels, 1997.
[12] Abdellali Hajjat & Stéphane Beaud – La France des Belhoumi, La Découverte, 2018.
[13] Ahmed Boubeker – La Marche pour l’égalité, 30 ans après, PUF, 2013.
[14] Saïd Bouamama – « La Marche de 1983 : entre mémoire et falsification politique », Mouvements, n°40, 2005.
[15] Frantz Fanon – Les Damnés de la Terre, 1961. (Importance et limites de l’anti-impérialisme dans les luttes décoloniales.)
[16] Walter Rodney – How Europe Underdeveloped Africa, 1972. (Analyse des compromis stratégiques dans les luttes anti-impérialistes.)
[17] Karl Marx – Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, 1852. (Analyse des alliances ambiguës entre classes sociales.)
[18] Jean-Pierre Rioux, Histoire du gaullisme, Presses Universitaires de France, 1993.
[19] Pierre Grosser, La politique étrangère de la France depuis 1945, Fayard, 2002.
[20] Pascal Perrineau, La France périphérique : comment on a sacrifié les classes populaires, Éditions du Seuil, 2014
[21] Jean-Yves Camus & Nicolas Lebourg, Les droites extrêmes en France, La Découverte, 2015.
[22] Michel Clouscard – Le Capitalisme de la séduction, 1977. (Relecture du lumpenprolétariat et critique du capitalisme consumériste.)
[23] Alain Soral – Comprendre l’Empire, 2007 (extraits). (Réappropriation polémique et racialisée des catégories marxistes.).
[24] Steven Levitsky & María Victoria Murillo, La démocratie en Argentine : le péronisme et les institutions politiques
[25] Houria Bouteldja, Les Blancs, les Juifs et nous, La Fabrique, 2016