La revue Positions publie un appel du collectif Citoyens souverains, qui rassemble des électeurs LFI de 2017 s’étant abstenus aux élections européennes. Il s’adresse aux ex-insoumis, aux gilets jaunes et aux souverainistes réfugiés dans l’abstention, pour soutenir Mélenchon de manière indépendante, en étant conscient que son élection ouvrirait une confrontation majeure avec l’Union européenne.
Nous membres du collectif Citoyens souverains, engagés dans les mouvements sociaux et les luttes syndicales, partisans de la souveraineté comme moyen de satisfaire les besoins des classes populaires, nous appelons à voter pour l’Union populaire. En effet, sur l’ensemble des 12 programmes à la présidentielle, celui de Jean-Luc Mélenchon est le plus favorable à la souveraineté nationale et populaire.
Il est clair pour nous que la souveraineté ne constitue pas une fin en soi mais un moyen permettant de satisfaire les besoins sociaux et écologiques d’un corps politique. Les Gilets jaunes ont prouvé qu’il était possible de rassembler les classes populaires dans une réappropriation collective et inclusive des emblèmes nationaux. La crise sanitaire a prouvé les conséquences désastreuses de l’abandon de notre souveraineté industrielle et pharmaceutique. Or, sur tous ces points, force est de constater que l’Avenir en Commun reste malgré ses imperfections le programme le plus abouti à la fois dans ses objectifs et dans les moyens qu’il se donne. Nous pouvons ainsi citer au moins trois raisons impérieuses de voter pour l’Union Populaire, trois mesures empreintes de clarté et de courage politique :
1) Pour garantir le pouvoir d’achat des Français tout en luttant réellement contre le changement climatique, l’Avenir en Commun défend clairement des mesures protectionnistes, avec droits de douane et taxes kilométriques, afin de limiter la libre circulation des marchandises et des capitaux. Ce « protectionnisme solidaire » permettra à la fois de reconstruire notre souveraineté industrielle et pharmaceutique, et de relocaliser notre économie en développant l’agriculture paysanne et les circuits courts.
2) Pour restaurer une France indépendante et non-alignée, Jean-Luc Mélenchon tient bon sur la sortie de l’OTAN et le refus de « l’Europe de la défense », alors même que les évènements en Ukraine ont revigoré le consensus euro-atlantiste des classes dominantes. Ses prises de position courageuses lui ont même permis d’élargir son audience auprès des sympathisants de Dominique de Villepin, ce qui montre qu’il y a un véritable potentiel électoral pour un « nouvel indépendantisme » basé sur des principes coopératifs.
3) Pour instaurer une véritable démocratie, l’Avenir en Commun a étoffé la proposition de Référendum d’Initiative Citoyenne popularisée par les Gilets Jaunes, mais déjà présente dans le programme de 2017. Le RIC garantirait au peuple le droit de pétition afin d’obtenir un référendum pour révoquer un élu ou proposer une loi, y compris contre l’avis du gouvernement. Même si nous regrettons que ce RIC ne permette pas de réviser ponctuellement la constitution, il permettrait quand même d’obtenir des avancées majeures.
Hélas, et ce point est fondamental, Mélenchon a reculé sur la question européenne, en abandonnant toute référence au « Plan B » de sortie de l’UE et de l’euro au profit de brumeux « opt-outs » qui pourraient porter sur l’intégralité des traités européens. Si le contrôle des marchandises et des capitaux aux frontières nationales peut être considéré comme synonyme de sortie du marché unique, c’est surtout sur la question monétaire que le programme reste flou. C’est pourquoi, puisque l’Union Populaire promet d’appliquer son programme « quoi qu’il en coûte », nous appelons son Parlement à se saisir de l’étude publiée en 2018 par le Monde Diplomatique et à auditionner ses auteurs qui démontraient que le retour à une monnaie nationale était un passage obligé pour tout gouvernement voulant appliquer un programme anti-libéral. De plus, comme l’explique la Théorie Monétaire Moderne dont se réclame la gauche états-unienne, un Etat monopoliste de sa devise et monétairement souverain peut financer le plein-emploi par création monétaire, sans avoir à s’endetter auprès des marchés financiers. C’est pourquoi notre soutien, en tant que partisans d’un « Frexit de gauche » ne peut rester que critique et indépendant, car nous craignons qu’un gouvernement Mélenchon finisse comme celui d’Alexis Tsipras s’il ne finit pas par se résoudre, même à contre-coeur, à quitter l’UE et l’euro. Mais, considérant que l’Avenir en Commun reste malgré tout le plus euro-critique des 12 programmes, nous appelons à le soutenir et surtout nous l’appelons à « ressortir le Plan B de la cave » afin de finaliser les travaux déjà bien entamés en 2017.
Alors même que nous avons une chance historique qu’un candidat soutenant clairement le pouvoir d’achat et l’indépendance de la France accède au second tour, nous entendons les hésitations de certains soutiens de 2017. Il nous faut pourtant répondre à la petite musique mensongère qui se fait entendre : si Mélenchon a pu reculer, il est faux d’affirmer qu’il aurait tourné le dos à la souveraineté, sauf à donner à ce terme un contenu identitaire et sociétal qu’il n’a jamais eu. Cette antienne est notamment brandie par quelques ex-soutiens d’Arnaud Montebourg aujourd’hui ralliés à Fabien Roussel. Il suffit pourtant de consulter le programme de Roussel, d’écouter ses reculs sur l’OTAN ou ses appels à voter Macron dans un second tour face à l’extrême-droite, pour constater que le PCF n’a rien de « souverainiste » ni de « populiste ». Son rapprochement avec le Printemps Républicain et Raphaël Enthoven l’éloigne au contraire des classes populaires. Il accélère même la convergence entre Roussel, Jadot et Hidalgo, qui les mènera ensuite au front républicain s’ils parviennent à empêcher Mélenchon d’être au second tour, et enfin à un accord d’union de la gauche aux législatives. Pour nous qui sommes fiers de ne pas avoir voté Macron en 2017, il est inconcevable que d’anciens camarades puissent s’allier avec la « gauche castor », a fortiori après un quinquennat de casse de l’hôpital public et de répression ultra-violente des Gilets jaunes et des quartiers populaires. Soyons honnêtes : les auto-proclamés « souverainistes de gauche » qui cautionneraient une telle manœuvre y perdraient toute crédibilité.
Au fond, le choix est le suivant : pouvons-nous nous payer le luxe de cinq années supplémentaires de Macron ? Cinq années supplémentaires d’austérité, de hausse des prix, de déni climatique, de fermeture de lits d’hôpitaux, d’approfondissement d’une Europe fédérale inféodée aux États-Unis ? On nous répondra, certes, que les actuels sondages donnent Mélenchon perdant face à Macron au second tour. Mais même en admettant cet argument, ne voit-on pas qu’un second tour avec Mélenchon permettrait de poser les vraies questions, de mettre fin aux débats identitaires portés par la droite et ses complices ? Que l’on pourrait enfin discuter de hausse des salaires, de blocage des prix, de retraite à 60 ans, de protectionnisme vert aux frontières nationales, de sortie de l’OTAN, de référendum d’initiative citoyenne ? C’est pour toutes ces raisons que nous considérons le bulletin Mélenchon non seulement comme un vote efficace, mais d’abord et avant tout comme un vote souverain. Une occasion historique nous est offerte : saisissons-là !
Le collectif des Citoyens Souverains
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