L’effet de grève
Quelques réflexions pour renouer avec l’effet de grève
Qu’elle prenne corps dans le procès de production ou dans celui de circulation, la grève a d’abord pour fonction d’arrêter le travail pour empêcher la réalisation de profit en agissant à un ou plusieurs endroits du cycle de reproduction élargie du capital. Si la grève est aussi vieille que les mouvements de travailleurs, c’est qu’elle demeure un outil déterminant dans l’affrontement de classe qu’ils mènent contre les capitalistes.
Si nous considérons la grève comme indispensable pour peser sur le cours des choses, alors il nous faut avoir une réflexion sur son recul dans le paysage français. En effet, selon les statistiques du Ministère du Travail, le nombre de journées de grève en France a chuté sur une période moyenne, passant de 3,5 millions en 1975 à environ 800 000 en 1995, un chiffre en relative stagnation depuis lors.
Au risque d’enfoncer une porte pas si ouverte que cela
La grève est un outil d’organisation des travailleurs qui visent, par l’arrêt collectif du travail, à peser sur le rapport de force. Dans cette phrase – qui semble enfoncer une porte ouverte – deux termes sont à relever : organisation et rapport de force. Sans le premier et sans la volonté d’obtenir le second, la grève, à coup sûr, n’aura pas d’effet. En d’autres termes, elle ne permettra pas de faire évoluer le rapport de force en faveur des travailleurs. En partant de là, la question de la stratégie et des objectifs des forces syndicales devient déterminante. En suivant, on peut avancer l’idée que l’effet de grève est la métrique de l’efficacité syndicale. Le recul de l’un entraîne celui de l’autre, et inversement.
La grève ne peut être une incantation. Elle ne peut découler que d’une organisation stratège. Les appels à la grève lors de journée de mobilisation, comme l’appel à la grève contre « l’austérité, pour les salaires et l’égalité femmes-hommes » du 13 octobre dernier, ne sont pas à la hauteur des enjeux. Simple grève de témoignage, pour l’œil extérieur, ce type de journée semble surtout mobiliser les permanents syndicaux et ceux qui ont les moyens de perdre un jour de salaire pour la beauté du geste. Par ailleurs, faire grève, ce n’est pas aller en manifestation. Si la grève peut s’accompagner d’un défilé, celui-ci est secondaire. Nos manifestations interrogent d’ailleurs nombre de syndicalistes étrangers qui peuvent y percevoir une sorte de gâchis de ressources militantes au moment où celles-ci pourraient être plus utilement employées à des blocages de l’économie ou à des actions devant les entreprises.
La question de l’objectif que se fixent les organisations syndicales est centrale : c’est cet objectif qui fixe le tracé du chemin. Si l’objectif est de convaincre, gouvernement ou patronat, alors l’organisation devient un outil de dialogue et de compromis pouvant très bien fonctionner de manière atrophiée : quelques négociateurs dans l’entreprise ou des appels à des journées de manifestations dans la rue deviennent les seuls outils de mobilisation. Si au contraire l’objectif est de contraindre, alors l’organisation devient un outil de lutte indispensable et nécessite de mobiliser beaucoup de monde pour peser sur le rapport de force.
En réalité, de la question de la grève découle une question fondamentale du mouvement ouvrier : syndicalisme réformiste ou syndicalisme révolutionnaire ? Dialogue social ou lutte des classes ? Cette question a une dimension historique. Elle se pose de manière récurrente et pourtant sans cesse renouvelée. En effet, les conditions de réponse sont différentes en fonction de la formation spécifique que prend l’organisation concrète du capital. Le capitalisme de l’ère du textile n’est pas celui du fordisme. Alors que l’agencement historique actuel du capitalisme est en crise et que les marges de manœuvre du capital se réduisent, certains pensent que le réformisme est devenu la seule option possible. La chute étant inévitable, autant qu’elle soit la plus douce possible. Pour notre part, nous pensons que cette analyse est erronée. Nous pensons que les logiques réformistes, parce qu’elles ont marginalisé les logiques révolutionnaires, ne peuvent plus avoir de prise sur les décisions patronales ou gouvernementales dans un contexte de crise inédite du capitalisme. Le réformisme devient alors plus que jamais un frein à l’amélioration des conditions de vie.
Pour justifier notre propos, il nous semble indispensable de faire un détour par une analyse économique et politique – à grands traits – de la période que nous traversons en France.
Les leçons de la crise du néolibéralisme
Le néolibéralisme, apparu au tournant des années 1970, s’est accompagné d’un important mouvement de financiarisation du capitalisme, dont une des conséquences a été la concentration de la production par le biais d’opérations de fusions-acquisitions. Ce phénomène n’a pas épargné la France. Cette concentration peut s’apparenter à une socialisation de la production sous l’égide du capital financier.
Dans notre pays, nous avons alors assisté à l’éradication tendancielle des petits capitalistes par les grands groupes. Une étude de l’Insee datant de 2020 illustre bien ce phénomène : avant la crise sanitaire, les 500 premières entreprises du pays concentraient, via l’ensemble de leurs filiales, près de la moitié du PIB et plus du tiers de l’emploi salarié. Ajoutons également à cela que les grands groupes sont également les principaux clients ou fournisseurs d’un grand nombre d’entreprises de tailles plus modestes, qui se trouvent ainsi en situation de totale dépendance à leur égard.
Cette ère des monopoles généralisés, pour paraphraser l’expression de l’économiste S. Amin, est placée sous la coupe d’un capital financier incarné par les grands actionnaires institutionnels organisés sous forme de fonds, de banques, d’assurances. Cet actionnariat mondial, représentant la forme la plus chimiquement pure du capital, dirige ces monopoles généralisés qui regroupent les grandes entreprises et leur écosystème (filiales, sous-traitants, prestataires, soit la majorité du tissu économique) avec des objectifs de rendements financiers agressifs.
En France, cette concentration du tissu productif français sous domination financière a eu des effets très concrets pour les travailleurs et les entreprises. Déjà, les entreprises passant dans le giron d’un groupe perdent leur autonomie, tant opérationnelle que financière. Les maisons-mères ont la main mise absolue sur la stratégie de l’ensemble, de l’usage des technologies et brevets, des choix d’investissements, en passant par l’utilisation de la trésorerie et du cash généré par leurs filiales. Ensuite, les stratégies de maximisation de la rentabilité mises en œuvre par ces grands groupes se sont sophistiquées et s’appliquent désormais à l’ensemble des échelons les composants, jusqu’à leurs sous-traitants et prestataires. Ce faisant, les conséquences pour le corps social, mais aussi pour le tissu économique sont bien plus structurantes et impactantes car elles sont immédiatement diffusées à grande échelle.
Cela a généré un système économique particulièrement inefficace et instable, avec d’un côté la diffusion d’un modèle de production intégralement tourné vers la rentabilité financière, freinant le développement des forces productives, et de l’autre la diffusion d’une sensibilité croissante du système productif aux aléas boursier. Et alors que la financiarisation du capitalisme a accouché du krach de 2008/09, cette porosité du système productif dominé par la finance s’est traduite par sa diffusion en une crise majeure qui s’est diffusée jusque dans les moindres recoins de l’économie. Précisons notre propos. L’idée n’est pas, comme certains le font, de dédouaner le capitalisme en ne pointant du doigt que sa dérive financière. Ce que nous disons c’est que la financiarisation de l’économie, diffusée dans le cadre du néolibéralisme, a exacerbé et généralisé les contradictions profondes du système capitaliste, aujourd’hui en proie à une crise inédite de rentabilité.
Le PIB français, c’est-à-dire la somme des valeurs ajoutées des entreprises, stagne. Les dernières perspectives de la Banque de France estiment qu’il devrait progresser péniblement de 0,9% en 2023 et 2024 et de 1,3% en 2025, soit un niveau peu compatible avec les exigences de rentabilité des marchés financiers (en moyenne 10-12%). Alors que la taille du gâteau ne grossit quasiment plus, la part mangée par le capital – prise sur celle des travailleurs et des citoyens – progresse. Et les aides publiques aux entreprises, venant augmenter le gâteau du profit en relai de la croissance économique, arrivent aujourd’hui à l’os. En 2019, le montant des allégements d’impôts et de cotisations pour les entreprises a atteint 205 Mds€, soit davantage que le profit d’exploitation cumulé de toutes les entreprises françaises. Sans ces aides, les entreprises néolibérales ne feraient donc pas de profit. Dans un tel contexte, on voit ainsi assez mal comment les directions d’entreprises accepteraient de donner une part du gâteau plus importante aux travailleurs et citoyens. Et le timide mouvement de réindustrialisation, perçu par certains comme étant le remède miracle pour retrouver la croissance, ne changera rien à l’affaire sans un changement profond de logiciel économique et politique. La réindustrialisation sous pilotage capitaliste s’accompagnera d’une pression sur les salaires dans la branche de l’industrie, pression d’autant plus forte qu’il leur faudra compenser les surcoûts induits par la décarbonation de cette nouvelle industrie pour ne pas pénaliser la rentabilité.
On le voit bien, la crise du néolibéralisme se traduit pour le capital par la nécessité d’accroître la pression sur les travailleurs et les populations. Notre hypothèse est que l’arrivée et le maintien du gouvernement macronien depuis 2017 – en réalité depuis 2012 – sont le symptôme français de cette crise. Le rôle politique du gouvernement macronien est d’assurer la transition de la phase néolibérale du capitalisme à une autre phase[1].
Le dialogue social comme réponse globale des travailleurs ne peut plus être envisagé
Dans ces écrits, Marx énonce que le taux d’exploitation n’est limité, dans l’absolu, que par la reproduction de la force de travail, c’est-à-dire ce qu’il est nécessaire pour permettre à la race des travailleurs de se reproduire. Aller au-delà de cette limite empêcherait par définition le travail, et interdirait par conséquent toute production de profit. Marx a ainsi posé la limite absolue. Mais dans les faits, cette limite du taux d’exploitation fluctue dans le temps, car elle est fondamentalement définie historiquement : le patronat doit composer avec une culture, une morale, un seuil de tolérance, etc., qui peut l’empêcher momentanément d’augmenter son taux d’exploitation. Il est, par exemple impensable, pour l’heure, d’autoriser le travail des enfants en France. La bourgeoisie doit ainsi mener une bataille idéologique pour réussir à augmenter le taux d’exploitation. Il en ainsi, va par exemple, de l’inflation.
Avant la crise pandémique, le faible niveau d’inflation était l’argument massue des bourgeois pour justifier l’absence de hausses de salaire. Avec le retour de l’inflation, la logique aurait été que ces mêmes commentateurs appellent à indexer l’ensemble des salaires sur l’inflation. Ce n’est pas ce qui s’est passé. Bien au contraire, l’inflation a été utilisée pour entamer un mouvement inédit de baisse relative des salaires généralisée, avec un tassement des rémunérations supérieures au SMIC. Alors que le SMIC a progressé 13,5% entre 2020 et 2023, dans de très nombreux secteurs, les salariés payés au-dessus du SMIC n’ont pas connu de telles augmentations. Ainsi, après des dizaines d’années d’ancienneté et d’expérience, beaucoup de travailleurs voient leur rémunération se rapprocher du salaire minimum. Sous couvert d’inflation nous assistons bien ici au recul d’une des limites historiques du taux d’exploitation. Qui, il y a cinq ans, aurait pu croire possible une baisse générale des salaires impactant autant le pouvoir d’achat ? C’est pourtant ce qui se déroule sous nos yeux.
Face à cette offensive, il faut faire le constat lucide de la conduite actuelle du mouvement social. Si hier encore les grands mouvements de mobilisation appuyés par des relais favorables pouvaient faire échouer, ou tout du moins infléchir un projet gouvernemental, cette période semble révolue. Rassembler des centaines de milliers, voire des millions de personnes dans la rue ne fait plus bouger le camp d’en face comme l’a récemment mis en évidence le mouvement social contre la réforme des retraites. Cette herméticité aux revendications populaires rejoint ainsi celle des dirigeants d’entreprises qui, dans un mouvement révélant l’unicité de la classe bourgeoise, sont de moins en moins enclins à céder aux demandes salariales faites dans le cadre des mécanismes du dialogue social. La période a changé. Si la délibération et la négociation comme formes structurantes de l’action politique et syndicale ont pu être des facteurs d’aménagement du capital dans le passé, c’est qu’il existait d’une part un rapport de force induit par des organisations de masse et de classe ainsi que par des institutions collectives protectrices pour les travailleurs, et d’autre part une croissance économique permettant des compromis sans trop impacter les logiques d’accumulation.
Poussé par une bourgeoisie dans l’impasse, consciente de ses difficultés et incapable d’appliquer la moindre régulation au capital, l’État macronien détruit la démocratie sociale. Une destruction facilitée par le recul de l’influence des organisations révolutionnaires. Ce n’est donc pas du côté de la psychologie du président de la République qu’il nous faut essayer de comprendre la répression et le recul démocratique que nous vivons. C’est parce que le capital doit se recomposer de manière rapide qu’il détruit toutes les règles préexistantes. Et la rapidité du procédé se traduit par un déchainement de violence protéiforme sur les populations.
Alors que les organisations progressistes apparaissent comme dépassées, la situation pourrait nous faire tendre vers le fatalisme. Et pourtant, bien que très faiblement relayées par les médias, y compris les médias émergents, les luttes et les grèves victorieuses sont nombreuses. Nous pourrions multiplier les exemples contemporains ici, mais, et preuve qu’ils existent, nous n’en aurions pas la place. Une recherche attentive sur internet et sur les blogs syndicaux fera l’affaire pour le lecteur intéressé [ndlr : ou voir nos articles ici et ici ]. Quand les grèves sont menées, elles sont souvent victorieuses.
L’inventivité tactique des travailleurs pour obtenir des victoires est loin d’avoir disparue. Nous avons deux façons de les appréhender. Nous pouvons les considérer comme des gouttes d’eau dans un mouvement plus général de recul de nos acquis historiques. Ces victoires ne seraient alors que des pis-aller voués à être emportés par la vague réactionnaire qui s’abat sur nous. À l’inverse, nous pouvons considérer ces mouvements de grève comme des points d’appui pour aller chercher des victoires beaucoup plus significatives. Il nous semble préférable de choisir ce deuxième narratif pour répondre pratiquement à une question stratégique pour notre camp. Ainsi, alors que l’inflation se traduit par une baisse du niveau de vie de portions toujours plus importante de la population, seules les grèves ont pu permettre dans certaines entreprises de remporter des victoires fortes à même d’améliorer les conditions d’existence et de renouer avec l’espace dans une période qui, avouons-le, ne pousse pas à l’optimisme.
Les impasses des mouvements de lutte au premier semestre 2023 nous ont appris une chose. Pour être efficace, il faut que l’effet de grève soit massif et étendu à un niveau que nous n’avons pas connu depuis longtemps. Mais, bien entendu, cela ne se décrète pas. Si l’objectif est bien de peser sur le rapport de force, mais que l’organisation nécessaire n’existe pas, alors l’échec restera au rendez-vous, car la négociation sera le seul refuge.
Pas d’incantation, mais de l’organisation
Nous pensons qu’il faut, à partir des mouvements de grèves locaux, trouver les moyens de la coordination et de la généralisation. Pour cela, l’imagination doit être au pouvoir. Puisque pour le camp d’en face il n’y a plus de règles, à nous de sortir des sentiers battus. Puisque l’emprise du capital ne se limite pas à l’entreprise, mais s’étend à tout le territoire, à nous de sortir du cloisonnement des luttes en entreprise et des mobilisations populaires pour construire, sous toutes les formes, des actions impactant la production. Aujourd’hui, maison de retraite, logements étudiants et entreprises peuvent être possédés par le même actionnaire. En partant de ce constat d’oppression, rien ne doit empêcher la coordination d’une lutte des usagers d’une maison de retraite contre les maltraitances institutionnelles, une grève des loyers et le blocage de la production.
Pour arriver à ce niveau de coordination, il nous faut nous concentrer sur la constitution d’une organisation de masse et de classe. Non pas en fantasmant un passé, mais bien au contraire en partant du monde tel qu’il est. Il nous semble ainsi que la (re)constitution d’une organisation de masse et de classe nécessite à minima trois conditions : 1/ le renforcement de l’implantation syndicale de classe, 2/ la construction d’une pensée syndicale claire, 3/ l’existence d’un parti communiste aux conditions de notre époque.
L’implantation des syndicats d’entreprise est déterminante, car sans syndicat la grève n’est que théorique. Aujourd’hui, seulement 8% de salariés sont syndiqués (5% dans le privé) et plus de la moitié des entreprises de plus de 50 salariés n’ont pas de délégués syndicaux. Ce faible taux s’explique pour partie par la spécificité des syndicats en France ainsi que les lois françaises sur le droit de grève, mais aussi par un niveau de répression syndicale important. Il nous faut aussi constater que la faiblesse de l’implantation syndicale est aussi le signe que ces organisations sont jugées inutiles par les travailleurs eux-mêmes. Il est donc nécessaire de déterminer les moyens de sortir de cette impasse en trouvant les leviers donnant de la crédibilité au discours et à l’action syndicale de classe.
Il ne peut y avoir d’action syndicale (et politique) sans pensée politique claire partant des préoccupations réelles des travailleurs et donnant des perspectives. Le syndicalisme de classe n’est pas une manière d’être ni une posture éthique et morale, c’est avant tout un projet économique et démocratique. Il nous semble que l’enjeu pour les organisations progressistes est de se donner les moyens de construire des propositions et des actions visant systématiquement à affirmer la souveraineté des travailleurs sur la production. Cette affirmation de la souveraineté doit passer par l’imposition de notre agenda au patronat. Trop souvent nos actions sont en réalité des réactions, rythmées par nos oppositions aux attaques patronales. Nous devons au contraire travailler à imposer dans les entreprises et dans les territoires notre propre agenda et nos propres propositions. Il s’agit bien de renouer avec la double besogne.
L’existence d’un parti politique portant des propositions et des perspectives qui puissent faire échos aux revendications des travailleurs et de leurs organisations dans les entreprises est, dans ce cadre, déterminante. C’est, nous semble-t-il, un levier essentiel pour pouvoir créer des points d’appui pour les syndicats. La réciproque est également vraie : que pourrait faire un parti politique révolutionnaire sans un relai syndical dans les entreprises ? Or, force est de constater les difficultés des partis politiques de gauche, écartelés entre social-démocratie et social-libéralisme depuis plusieurs décennies maintenant, à porter une alternative collective autour d’un projet socialiste. Éclatés en mille familles, les communistes ont aujourd’hui disparu politiquement, en tant qu’acteurs crédibles et en tant que porteurs d’un projet révolutionnaire global. Mais il n’y a aucune fatalité à cela et les communistes peuvent encore retrouver leur fonction politique historique.
Pour se construire et se développer, nos propositions et nos actions doivent s’articuler à tous les échelons du territoire (nationaux, locaux, interprofessionnels). Il s’agit de prendre appui sur toutes les expériences et les initiatives pour mener un travail de coordination des luttes. Et parce que la structure de la production a changé tout comme celle de la propriété, cette coordination doit également pouvoir sortir du strict lieu de l’entreprise et aller s’adresser aux citoyens[2]. À ce titre, la vitalité syndicale et politique à l’échelon local est déterminante, notamment pour construire des solidarités entre les travailleurs et les populations du territoire, à l’image de ce que beaucoup d’Union Locale CGT font.
Pour finir, rappelons que l’effet de grève ne se limite pas à son impact sur l’entreprise. Il participe de manière plus large à la construction d’un couple travailleur/citoyen visant à remplacer le couple exploité/consommateur dans lequel la société actuelle nous assigne. Alors que le récit de la classe bourgeoise se fissure, partir de l’indignation et de la colère populaire pour organiser des stratégies de luttes collectives devient urgent. Car en face la volonté d’ethniciser les questions sociales, de préparer les esprits à la guerre, et de renforcer les moyens d’un état autoritaire gagne chaque jour du terrain. C’est en ce sens qu’il faut analyser le comportement des organisations libérales – de leur extrême droite à leur arc social – visant à flatter les bas instincts et à attiser la haine au sein de la classe des travailleurs et de la population. Une stratégie qui vise à empêcher l’unification des mouvements sociaux et des luttes syndicales et la construction d’un stade supérieur d’organisation à même de gagner des victoires d’ampleur.
[1] Sur ce point nous invitions le lecteur curieux à lire notre essai, Tout leur Reprendre, paru aux Éditions Delga.
[2] La citoyenneté ne se confond pas avec la nationalité. Qui vit sur un territoire doit en être, de fait, le citoyen.