Kobanê, quand la défaite de Daesh crève l’écran
“Nous allons combattre l’ennemi sans peur. Que personne n’oublie ce qu’il s’est passé à
Shengal”. C’est sur ces paroles tenues par une commandante kurde des YPJ (Unités de protection des femmes, section féminine non mixte des YPG) et rythmées par l’arrivée de tanks de Daesh que commence le film Kobanê. Sorti il y a un an jour pour jour, ce long métrage de 2h30 est à apprécier en version originale, sous-titré en français et accessible gratuitement sur YouTube. Le scénario retrace les événements de la bataille de Kobanê, conflit décisif entre les forces kurdes des YPG (Unités de protection du peuple, les brigades militaires kurdes de Syrie) et les combattants de l’organisation Etat islamique. Ce n’est pas un hasard si cet affrontement a été présenté à l’écran : ces combats, se déroulant durant le mois de janvier 2015, furent les premiers à infliger une défaite d’envergure aux djihadistes et à permettre de faire reculer les troupes se réunissant sous la bannière noire cerclée de blanc.
Le film traite les événements d’une manière assez réaliste et met en avant des protagonistes ayant réellement existé. On y suit principalement Zerha, une commandante
kurde des YPJ, Masiro, un membre du PKK mais aussi Derya, une jeune infirmière rentrée dans les YPJ au début de la bataille de Kobanê. On y voit d’autres personnages, venant de différentes parties du Kurdistan pour combattre Daesh.
Et si toutefois il s’agit d’un film de guerre, il n’en est pas pour autant un film guerrier. Si certaines scènes montrent bien des moments de bravoure lors des combats entre Kurdes et
Djihadistes, le conflit n’est pas dépeint de manière romanesque : il y a des morts, des moments de deuil, des défections et certains miliciens ressentent la peur ou la douleur. Le
long métrage ne montre pas que des combats, il laisse aussi certaines respirations avec des
moments d’attente où les Kurdes s’occupent en buvant du thé, en chantant, en jouant aux échecs ou en planifiant des stratégies. Cette production audiovisuelle prend principalement place dans le canton de Kobanê, mais on voit aussi des scènes de la vie quotidienne, loin du champ de bataille, qui se passent dans d’autres villes du Kurdistan. La diversité des paysages kurdes est mise à l’honneur sous les caméras de Özlem Yaşar qui sait mettre en valeur autant les plaines arides couleur western que les environnements urbains de Kobanê.
Les images sont agréables à regarder mais revêtent également une portée idéologique assumée. C’est un film qui a été tourné au Rojava, le Kurdistan syrien, territoire de 50 000 kilomètres carrés où s’expérimente le confédéralisme démocratique : un projet
politique qui mêle démocratie impulsée par la base, féminisme, écologie et coopération
entre les peuples.
Ce long métrage est réalisé par la Commune du Film du Rojava, sorte d’institution
cinématographique locale ayant permis la diffusion d’une vingtaine de productions
audiovisuelles depuis 2015. Les acteurs ne sont pas en reste, puisqu’une bonne partie des
figurants présents sur les lieux du tournage ont combattu contre Daesh ou ont assisté les
volontaires des YPG dans cette lutte.
Si ce long métrage relate une bataille ayant eu lieu il y a 9 ans, le scénario reste encore
d’actualité. Les territoires conquis face à l’Etat islamique nécessitent toujours une vigilance particulière pour les YPG car des cellules dormantes de Daesh commettent toujours des attentats dans la région. Le Rojava est aussi menacé par une Turquie qui voit d’un très mauvais œil la constitution d’un territoire kurde autonome qui pourrait faire jonction avec le Bakûr, le Kurdistan du Nord (sous contrôle de la Turquie) et qu’elle considère comme une base arrière du PKK.
Depuis 2018, la Turquie n’a cessé de mener des incursions et des bombardements dans la
région parce que l’AKP, parti au pouvoir, y voit un enjeu de premier plan.
Kobanê a pour le moment été diffusé sur des médias kurdes dont Ronahî TV, Stêrk TV et Jin TV. Il a reçu un accueil positif des diasporas d’Europe.
Vous pouvez toujours retrouver Kobanê ici.