Gwenola Ricordeau est professeure associée en justice criminelle à la California State University, Chico. Elle a publié Pour elles toutes. Femmes contre la prison (Lux éditeur, 2019) et récemment 1312 raison d’abolir la police (Lux éditeur 2023) et, en collaboration avec Joël Charbit et Shaïn Morisse brique par brique, mur par mur (Lux éditeur, 2024).
Positions revue : Les procès de Mazan saturent l’espace médiatique depuis de longs jours. Les faits terribles de cette affaire sont relatés avec voyeurisme et sensationnalisme. Les nombreux sévices infligés à Gisèle Pélicot sont particulièrement choquants. La victimisation secondaire qu’elle endure publiquement alors qu’elle porte l’affaire devant la justice n’en parait que plus violente. Ces faits s’expriment dans le cadre d’un système de domination et d’exploitation des femmes par les hommes au quotidien et relèvent de procédés de prédation d’une monstrueuse banalité : soumission chimique, disponibilité du corps de la femme, tabou du viol conjugal. L’émoi provoqué par cette affaire pousse certaines associations féministes et responsables politiques à relancer le débat relatif à la redéfinition pénale du viol. Il s’agirait de combler les lacunes de la définition légale actuelle qui envisage le viol comme une pénétration sexuelle par menace, violence, contrainte, surprise, l’absence de consentement de la victime n’étant pas en soi un élément permettant de qualifier une pénétration sexuelle de viol. Que pensez-vous de cette proposition ?
Gwenola Ricordeau : D’abord, je ne suis pas très intéressée par cette proposition parce que les questions autour des définitions légales et les batailles juridiques m’inspirent assez peu politiquement lorsque l’on est dans un contexte répressif, dans un contexte où on n’est pas en train de remporter des victoires d’un point de vue féministe. Malheureusement, vu l’état des forces, des revendications et des analyses qui sont entendables aujourd’hui dans les débats publics, la médiatisation de tels procès sert plutôt des agendas politiques conservateurs, voire réactionnaires. Donc je dois dire que je suis assez peu intéressée par ces débats autour de la redéfinition pénale du viol. Mais je partage des inquiétudes qui ont été déjà largement détaillées et explicitées par un certain nombre de militantes féministes autour de l’incorporation du consentement dans la définition du viol. Et ce, pour un certain nombre de raisons à commencer par la charge de la preuve qui reviendrait davantage à la victime. Je n’ai donc aucune forme d’enthousiasme sur cette proposition, et c’est pour moi globalement plutôt un aveu de faiblesse de ne pouvoir aller que sur le terrain des batailles juridiques car cela témoigne que notre agenda politique est dicté par des affaires judiciaires. Il s’agit essentiellement de manœuvres politiques dans lesquelles je ne vois pas réellement de gain possible, à part la possibilité d’un recul dans la définition même du viol, mais aussi d’un recul plus général dans le sens où ça entérine l’idée que, finalement, on pourrait résoudre la question du viol et des violences sexuelles par des réponses pénales et c’est sans doute pour moi le plus grand danger. Cela montre que l’on a énormément de difficultés à sortir d’un certain nombre de préjugés selon lesquels s’il y a des agressions sexuelles, c’est que la répression n’est pas à la hauteur. La réduction du débat public à la question de la définition légale de ces agressions et d’un certain nombre de manquements supposés de cette définition permet d’éluder d’autres questions, à commencer par celles des rapports de pouvoir et du patriarcat notamment. Tant que l’on en reste à ces débats-là, on n’écornera pas les raisons profondes pour lesquelles les viols existent.
Positions revue : 1 à 2 % des viols sont sanctionnés par une condamnation des auteurs devant une cour criminelle, l’idée est de renforcer la réponse pénale par la modification des éléments constitutifs de l’infraction sur le modèle suédois où les condamnations ont augmenté de 75 % et les dépôts de plainte de 500 % depuis 2018. L’objectif affiché de cette proposition est d’envoyer un signal à la société en provoquant un débat sur le consentement. La fin justifie-t-elle les moyens ?
Gwenola Ricordeau : C’est un énorme préjugé que de se dire qu’il faudrait juste secouer un petit peu tout le monde ou même plus particulièrement les hommes, pour provoquer un débat sur le consentement. En vérité, les occasions ne manquent pas pour ce genre de débat. Ce qui me rend perplexe, c’est que des procès pour viol avec des faits extrêmement choquants, ça arrive extrêmement régulièrement. Il y a pour chaque génération ou presque de ce genre de procès. Je me souviens par exemple des procès de ce que les médias appelaient les « tournantes » qui étaient des viols collectifs dont les auteurs étaient des jeunes hommes issus de quartiers populaires et qui étaient fortement médiatisés. Penser que si le viol entrait dans le débat public cela pourrait produire un effet positif me semble totalement illusoire. De la même manière, le mouvement #Metoo s’est parfois présenté comme une injonction à en parler, comme si les femmes n’en avaient jamais parlé auparavant et que si elles parlaient, les hommes entendraient et qu’il en découlerait quasi magiquement une prise de conscience qui résoudrait la question des violences faites aux femmes. L’exemple que vous citez avec la Suède ne m’apparaît pas nécessairement positif. La multiplication des dépôts de plaintes et des condamnations apparaissent souvent comme le signe d’une amélioration, mais cela n’évalue pas la satisfaction des victimes, le nombre de violences à caractère sexuelle ou encore le risque de récidive. Si on voulait véritablement ouvrir un débat sur la question du consentement, on dispose déjà de tous les outils nécessaires pour.
« Ça n’est pas en condamnant quelques individus ou même en condamnant beaucoup d’individus qu’on démantèle le rapport de domination derrière les VSS. »
Positions revue : La lutte contre les VSS est très souvent confondue aujourd’hui avec la répression pénale de ces violences systémiques. Que répondez-vous aux personnes qui pensent que lutter contre cette course en avant répressive revient à laisser les victimes à la merci de leurs agresseurs ?
Gwenola Ricordeau : On peut entendre deux choses à travers votre question. La première concerne les victimes et la question de la prévention des VSS. La deuxième concerne le sens que l’on peut donner à l’expression « laisser à la merci ». Commençons par la première. L’enjeu ici est celui du rôle dissuasif et de neutralisation de de la sanction pénale, c’est-à-dire sa capacite à empêcher la commission d’un crime et à mettre hors d’état de nuire, pour dire les choses familièrement, les auteurs de crimes. Ceux et celles qui croient à la réponse juridique justifient fréquemment leur position en disant que la répression empêche de commettre des violences et qu’elle jouerait un rôle de prévention. Mais nous n’avons aucune preuve de cela ou alors des preuves très limitées ou relatives. Ça peut être contre-intuitif de requestionner la répression parce qu’elle fait vraiment partie du cœur des justifications en faveur d’un durcissement de la réponse pénale qui permettrait de réduire le nombre de violences faites aux femmes. Pourtant, ça n’est sans doute pas le moyen le plus efficace de réduire ces violences. Elles sont systémiques et massives et ça n’est pas en condamnant quelques individus ou même en condamnant beaucoup d’individus qu’on démantèle le rapport de domination qui les sous-tend.
Le second aspect de votre question est le lien nécessaire qui existerait entre combattre l’impunité des auteurs de violences à caractère sexuel et la lutte contre les VSS, et qu’on pourrait opposer à laisser les victimes « à la merci des agresseurs » pour reprendre votre formule. Je suis en désaccord avec ce raisonnement-là, car il part du principe que la question des VSS est une question de coupables qu’il s’agit de neutraliser alors que pour moi, comme pour d’autres, la question est celle du patriarcat. Si ces violences sont possibles, c’est parce qu’il y a ce rapport de domination des hommes sur les femmes. Au risque de me répéter, on est là face à une question stratégique du féminisme. Il y a d’un côté des analyses qui pensent le patriarcat et le caractère systémique des VSS, et de l’autre des analyses pour lesquelles ces violences sont trop nombreuses mais non systémiques et qui en restent donc à des réponses individuelles et pénales. Ceci étant dit, j’entends que s’opposer à la répression pénale peut avoir un caractère scandaleux pour certaines personnes qui mobilisent la question des victimes. Ça me paraît effectivement important d’avoir ça à l’esprit et d’y répondre. Ce sentiment de scandale vient d’une vision rétributive de la justice, c’est-à-dire une vision dans laquelle les auteurs doivent être punis pour ce qu’ils ont fait. Cette vision est dominante et trop peu questionnée. Mais je pense qu’il est important de porter politiquement à la fois une critique de la répression pénale et de la réduction de la question du patriarcat à une question légale, tout en disant que l’on comprend que pour les victimes, cette forme d’impunité puisse apparaître scandaleuse.
« N’importe quelle organisation qui se proclame de gauche devrait à minima être pour la légalisation de tous les produits dits stupéfiants et la libération de toutes les personnes qui sont criminalisées pour des faits liés à ces produits. »
Positions revue : La lutte contre « l’impunité des délinquants » et « la culture de l’excuse », le besoin de « fermeté » et l’appel à la « dissuasion » par l’accumulation de réformes pénales sont des marqueurs d’une idéologie conservatrice. Et pourtant, on semble retrouver de plus en plus ce réflexe punitif parmi des forces progressistes. Sans parler d’abolitionnisme pénal ou carcéral, une simple critique de la lutte contre l’inflation pénale en la matière parait inaudible dans le champ politique, même au sein de la gauche institutionnelle. Comment expliquez-vous que ce discours soit marginalisé à ce point aujourd’hui ?
Gwenola Ricordeau : Je ne crois pas que ce réflexe punitif soit quelque chose de radicalement nouveau à gauche. La marginalité de l’abolitionnisme en France est liée à des questions d’analyse politique. La gauche ou ce qu’on entend aujourd’hui par la gauche, se base sur un refus de faire une analyse de classe et de race de la question pénale et c’est ce qui explique le positionnement parfois réactionnaire de certaines de ses propositions. L’exemple le plus récent [ndlr : au moment de l’entretien, fin septembre] étant celui du PCF sur la question des OQTF suite aux meurtres de Philippine. Leur réaction n’est pas un accident, mais bien celle d’une organisation qui prend des positions racistes. Mais on le voit aussi dans d’autres segments de la gauche par exemple sur la question de la police qui est largement considérée de façon acritique. Une grande partie de la gauche a des réticences à dire des choses aussi banales que « la police tue » et présente la police de proximité comme un progrès. Ces lacunes dans l’analyse du système répressif se retrouve aussi autour de la question de la criminalisation des produits stupéfiants. N’importe quelle organisation qui se proclame de gauche devrait à minima être pour la légalisation de tous les produits dits stupéfiants et la libération de toutes les personnes qui sont criminalisées pour des faits liés à ces produits. Lorsque l’on analyse la question de la criminalisation autour de ces produits, on remarque immédiatement qu’il s’agit essentiellement d’une politique – la guerre à la drogue – de criminalisation des personnes racisées et des classes populaires. C’est extrêmement révélateur que la gauche ne soit pas capable de tenir des positions fortes sur ce sujet.
« La question de l’incarcération n’est pas celle du mieux enfermer ou moins enfermer, mais c’est celle de ne plus enfermer. »
Positions revue : Quid du bout de la chaine pénale et du filtre social de la judiciarisation de ces violences ? Dans un dossier publié en novembre 2023, la revue Dedans dehors égrainait les chiffres de la répression pénale en matière de VSS. 30 % des condamnés détenus l’étaient pour violences conjugales ou sexuelles. En 2022, 15 000 hommes ont été emprisonnés pour ces motifs, 4000 de plus qu’en 2020. Ces chiffres témoignent d’une réorientation de la politique pénale de la part des parquets surtout en matière de violences conjugales où le taux d’affaires poursuivables a augmenté 8 points entre 2015 et 2021 passants de 55 à 63 %. Au même moment, la suroccupation carcérale atteint des niveaux historiques. Au 1er août 2024, on dénombrait 78 387 personnes détenues, 3473 matelas au sol, 151,6 % de densité carcérale dans les maisons d’arrêts et quartiers maison d’arrêt. La prise en charge et réhabilitation d’individus violents dans ce contexte est-elle seulement pensable ?
Gwenola Ricordeau : Déjà, il faudrait croire que la réhabilitation est une des missions de la peine d’incarcération. Ce que je ne crois pas. Concernant l’expression de « suroccupation carcérale » c’est une expression que les abolitionnistes rejettent parce que la question n’est pas celle de l’occupation des prisons et donc des bâtiments, mais plutôt celle de l’incarcération, de la surincarcération ou de la surcriminalisation qui nous semble importante. Néanmoins, que les conditions matérielles soient terribles est une évidence. Mais à titre personnel, je ne crois pas en la possibilité d’une prison qui pourrait réhabiliter, car je ne crois pas qu’il existe de bonnes prisons. Même s’il y avait 90 % de prisonniers en moins, ça ne changerait rien parce qu’on ne peut pas réhabiliter quelqu’un par son enfermement. La question de l’incarcération n’est pas celle du mieux enfermer ou moins enfermer, mais c’est celle de ne plus enfermer. Effectivement, on peut dénoncer la prétention que pourrait avoir la prison à réhabiliter et on peut dénoncer ceux qui entretiennent ce mythe-là mais, en même temps, il faut rappeler que la question n’est pas fondamentalement celle du nombre de prisons et de prisonniers. Si le problème des conditions d’incarcération touche à la dignité des personnes, cela ne peut pas prendre le pas sur la question de la fonction de la prison. Il y a une forme de de manipulation derrière la justification de la prison par la dénonciation des conditions de détention, qui viserait à faire croire que si la prison échoue dans sa mission, c’est parce que ces conditions ne sont pas satisfaisantes.
Positions revue : Le débat semble confisqué par des masculinistes qui nient ou justifient l’existence de ces violences, et les tenants d’un féminisme libéral qui pensent la répression pénale comme le meilleur angle – si ce n’est le seul – à même de lutter contre des violences de masse. Peut-on envisager une troisième voie féministe et matérialiste ?
Gwenola Ricordeau : Je ne suis pas tout à fait d’accord avec une partie de votre question selon laquelle les masculinistes nient ou justifient l’existence de ces violences. Il y a des formes d’instrumentalisation du viol par les masculinistes et les racistes pour désigner certains hommes comme étant des violeurs, ce qui permet de façon très confortable de ne pas parler des rapports de domination entre les hommes et les femmes. De fait, je nuancerais en disant qu’on est d’un côté dans la négation ou la justification, et de l’autre dans la demande de répression. Il y a de plus en plus de féministes qui émettent des doutes sur la possibilité de lutter contre les violences faites aux femmes par la répression pénale. Il serait peut-être un peu prétentieux de dire qu’il faut aujourd’hui une troisième voix féministe comme si elle n’avait pas toujours existé. Il y a toujours eu des féministes pour s’opposer au féminisme libéral et pour s’opposer à la répression pénale. Ces voix-là ont toujours existé bien qu’elles aient eu du mal à émerger et à être entendues. Il n’y a pas donc pas quelque chose qui serait radicalement nouveau, en tout cas d’un point de vue intellectuel et stratégique. Par contre, je pense qu’on peut dire qu’il y a ces cinq ou dix dernières années, davantage de force pour ce type de féminisme puisqu’on voit, que ce soit en termes militants ou en termes de production intellectuelle, de plus en plus de critiques des réponses répressives données aux VSS. Évidemment, le chemin est long et on est globalement d’un point de vue historique dans une phase de de régression qui ne nous est pas très favorable.
« Les victimes n’ont pas besoin d’être prise en charge, elles ont besoin de pouvoir, de pouvoir sur leur vie. »
Positions revue : On peut avoir l’impression que l’inflation pénale dans la lutte contre les VSS est parfaitement compatible avec des politiques d’austérité budgétaire. Une réforme du Code pénal médiatisée permettrait à l’État de s’abstenir de mettre en œuvre des politiques publiques couteuses de prévention (notamment éducatives) et de prise en charge des victimes de violences (hébergement et mise à l’abri, assistance économique, accès aux soins). Partagez-vous ce constat ?
Gwenola Ricordeau : L’austérité budgétaire est toujours pour certains et certaines. Mais pour moi, la question n’est pas celle de la prise en charge des victimes. Les victimes n’ont pas besoin d’être prise en charge, elles ont besoin de pouvoir, de pouvoir sur leur vie. Ainsi, tout ce qui est hébergement, possibilité d’être à l’abri, en sécurité, financièrement autonome est nécessaire. Toute ces mesures ont un impact sur les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes. Mais ça n’est pas dans l’agenda politique. On l’a vu dès la nomination du nouveau gouvernement avec une mini polémique sur la soi-disant politique de non-exécution des peines et il était déjà question de la nécessité d’un programme ambitieux de construction de nouvelles prisons. Pour certaines choses, c’est sûr qu’il y a toujours de l’argent.
Positions revue : Comment sortir de cette impasse théorique et pratique ? Comment penser dans ce contexte le développement de mode de justice alternative, la justice transformatrice, la justice restaurative, des solutions évoquées, mais visiblement peu prises au sérieux ?
Gwenola Ricordeau : Il y a plusieurs niveaux dans la question. Personnellement, je ne vois pas d’impasse théorique ou pratique. Il y a plutôt une difficulté stratégique parce que le féminisme mainstream, celui qui occupe une place dominante, est un féminisme libéral. L’enjeu est donc de réussir stratégiquement à renverser ce féminisme-là sans nuire à la cause féministe. Ça, ça me paraît effectivement une vraie difficulté. Après, le développement de mode de justice alternative, ça n’est pas la même chose. Il y a des désaccords théoriques sur la justice restaurative, malgré l’endroit où elle est née, son positionnement à sa naissance, elle a été pour l’essentiel mise en place et cooptée par les politiques pénales et donc elle est aujourd’hui un instrument au bénéfice du système pénal. Tandis que la justice transformatrice constitue essentiellement une forme de justice alternative parce qu’elle est à la fois en dehors du système pénal et n’entretient pas de lien avec la justice pénale, et qu’elle est pour l’instant aussi sur un modèle de refus d’être une activité « profitable » au sens anglais du terme, c’est-à-dire d’être extérieur aux rapports marchands. On a donc deux modes de justice différents et je ne pense pas que l’on viendra à bout du système pénal par le seul développement de la justice transformatrice. Je ne pense pas non plus que les alternatives permettent de dissoudre les rapports de domination même s’il me semble extrêmement important de les encourager. Selon moi, il n’y a pas d’un côté un problème qui serait la répression et l’existence du système pénal, et de l’autre côté la justice transformatrice. La justice transformatrice pourrait remplacer le problème qu’est la justice pénale. Le fait qu’elle soit peu prise au sérieux par l’Etat… Grand bien lui fasse ! Mais son but n’est pas d’être prise au sérieux par ces institutions qui sont tellement cruelles. La question est plutôt celle de comment, dans une gauche révolutionnaire, créer plus d’intérêt et une prise de conscience sur la nécessité de formuler des projets politiques qui soient clairement antirépressifs et qui permettent la promotion d’autres pratiques. Il s’agit plutôt de dépasser la réticence à changer nos pratiques punitives et pénalo-centrées et nos manières de faire et d’être dans des formes de préfiguration de ce que pourrait être notre projet politique. Néanmoins, il ne faut pas épuiser toutes nos énergies dans la recherche de nouvelles façons de faire sans pour autant intégrer qu’il est déjà possible de détacher nos pratiques actuelles de toutes les formes de domination dans lesquelles elles s’inscrivent. En clair, il ne faut pas trop attendre de la justice alternative ou de la justice transformatrice parce qu’il me semble quasi impossible d’échapper à des formes de réflexes punitifs et à la manière dont ceux-ci sont inscrits dans les rapports de domination comme les rapports de classe et de race.