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La société civile face aux VSS, deux siècles d’histoire
Depuis 2017, l’affaire Weinstein, #Metoo, #balancetonporc, #Metooinceste, les dénonciations de VSS dans le cinéma, tous ces mouvements incluent la saisie des violences sexuelles comme autant d’expressions ou de symptômes de la domination masculine, du sexisme et des abus de pouvoir du patriarcat. Après des siècles de déni et de refus, la société civile fait, enfin, face aux VSS.
Par Anne-Claude Ambroise Rendu Publié in #6 L'empire masculin, #POSITIONS, NC le 11 décembre 2024 45 min de lecture
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La société civile face aux VSS, deux siècles d’histoire

Les VSS relèvent d’un champ sémantique nouveau. L’expression, apparue à la suite de l’affaire Weinstein, témoigne d’une mutation très profonde des sensibilités et des représentations ; des gestes, des comportements, des paroles, longtemps presque parfaitement intégrés au tissu des interactions quotidiennes sont désormais considérés comme des violences témoignant d’un déséquilibre entre les genres qui les rend insupportables. L’ensemble est saisi comme un continuum qui va de l’inceste au harcèlement en passant par le viol[1] et l’agression sexuelle, parce que le caractère sexuel de ces propos ou ces comportements les rend désormais hors la loi.

 Ce « continuum » n’est absolument pas perçu comme tel par la plupart des auteurs traitant des VSS, du moins l’affirment-ils, parce que l’interdit est nouveau. D’autres hommes le dénoncent comme étant une figure de style délétère au motif que « tous les hommes ne sont pas des violeurs ». Le caractère sexuel constitutif de l’infraction quand elle n’est ni un viol ni une agression sexuelle, relève pour beaucoup de la gauloiserie, de la plaisanterie, voire de la galanterie ce qui définit assez clairement les contours de la doxa, masculine et patriarcale.

Pour que les violences sexuelles soient pensées comme violences sexistes il fallait que le cadre des représentations des rapports hommes-femmes soit radicalement et profondément modifié. Tant que, au terme de la plupart des textes fondateurs de la pensée occidentale, les femmes sont considérées comme les biens des hommes cela n’est pas possible. Ainsi on lit dans les Dix Commandements : « tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain », ce qui suppose que la femme de ton prochain est sa propriété et que donc le dommage ainsi infligé concerne le prochain, un autre homme, donc, mais en aucun cas la femme. Jusqu’à très récemment les violences sexuelles ne furent pas représentées et pensées comme un ensemble cohérent en proportion même de l’appétit sexuel supposé des hommes, de leur « ardeur ». Cette caractéristique de la sexualité masculine leur imposait en quelque sorte d’avoir une activité sexuelle tous azimuts, toujours susceptible de « déborder », ces débordements étant au fond d’assez faible importance. Voltaire, dans son Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, note : « La curiosité des hommes, qui pénètre dans la vie privée des princes, a voulu savoir jusqu’au détail de la vie de Charlemagne, et jusqu’au secret de ses plaisirs. On a écrit qu’il avait poussé l’amour des femmes jusqu’à jouir de ses propres filles. On en a dit autant d’Auguste ; mais qu’importe au genre humain le détail de ces faiblesses qui n’ont influé en rien sur les affaires publiques ?[2] »

Dans toutes les guerres de l’Antiquité et du Moyen-Âge, les vainqueurs se partagent les femmes et les filles des vaincus, réalisant ainsi la synthèse entre l’humiliation infligée aux vaincus par l’appropriation et la souillure de ce qui leur appartient et la satisfaction de l’appétit génésique, vécu ici comme l’expression éclatante du pouvoir. 

Il s’agit toujours de jouir, le désir masculin étant roi et balayant nombre d’autres considérations.

1- L’écho public : sexe et pouvoir, la culture du viol

C’est bien pourquoi il n’y a pas réellement de période à proprement silenciée, excepté sans doute pour ce qui concerne l’inceste et, dans une moindre mesure, les violences sexuelles contre les mineur.es. On parlera plutôt de périodes pendant lesquelles les violences sexuelles sont tolérées, voire acceptées. Bien sûr ces actions chargées de péché sont criminalisées et frappées d’opprobre dès l’Ancien Régime, mais c’est en proportion de l’immoralité dont elles témoignent. La valorisation ou la dénonciation des violences sexuelles s’organise autour de l’immoralité ou de l’immoralisme. Ainsi du libertinage du XVIIIe siècle dont le projet est de bouleverser les imaginaires : la liberté des mœurs, le refus de toutes normes conjuguant interdit et transgression, rêve et réalité, discrétion mondaine et crudité pornographique, liberté de penser et d’aimer, fait de la luxure une porte ouverte vers l’émancipation.

 « Antichambre de la Révolution française », le libertinage est aussi une ode à la jouissance qu’on peut tirer des femmes. Exclusivement écrite par des hommes, la littérature libertine du XVIIIe siècle bouleverse les rapports entre la morale et le sexe : dans Les Bijoux indiscrets, Diderot décrit des femmes d’une insondable voracité sexuelle, qui « se livrent » aux hommes ; Dans Le Temple de Gnide de Montesquieu les naïades sont violées par Cephise le Dieu fleuve, écho à la multitude de viols qui ponctuent la mythologie grecque et romaine. Et Crébillon fils, avec Le Hasard du coin du feu, Dialogue moral en1763, n’est pas moins éloquent sur le rapport homme femme comme rapport prédateur proie. Le succès des Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos, paru en 1782 et dans lequel Madame de Tourvel, harcelée par Valmont, s’évanouit et ne reprend connaissance qu’après un rapport sexuel, ne se dément pas au fil du temps. Dans son Histoire de ma vie, Casanova, s’avoue surpris par les exigences physiologiques de son corps. Certes, son libertinage est l’affirmation de l’individu contre les systèmes sociaux qui l’entravent et qui l’emprisonnent et en particulier, qui emprisonnent les femmes, mais cela ne l’empêche pas de conter des scènes de viol de filles de blanchisseuses ou de fermières, de déflorer de très jeunes filles vierges et d’humilier les femmes qu’il « séduit », exploitant sans vergogne la pauvreté de ses proies.

 Avec La Philosophie dans le boudoir (1795) Sade va plus loin, livrant un concentré de perversion qui prétend favoriser l’insurrection par le sexe. Sa philosophie qui, il faut bien le dire est celle du plus fort, lui permet de justifier le viol. Si aucune femme n’appartient en propre à aucun homme, ceux-ci ont tout de même le droit de forcer n’importe laquelle d’entre elles à « céder aux feux de celui qui la désire » et la violencepeut être employée légitimement. En donnant aux hommes « la force nécessaire à soumettre (les femmes) » à leurs désirs, la nature a prouvé qu’ils en ont le droit. Aux femmes – qui se voient octroyer le droit à la jouissance – de se plier à la puissance de ce désir dont la légitimité n’est jamais interrogée, les rapports d’inégalité́ et de violence entre les êtres humains jouant comme une garantie de plaisir. Quant à l’inceste, il devrait être la «loi de tout gouvernement dont la fraternité fait la base », d’après le Marquis de Sade dans : Français, encore un effort si vous voulez être républicains.Bref, comme le ditPatrick Wald Lasowski : « La république de Sade reconnaît un despote viril en chaque citoyen : le désir. [3]»

Dans tous ces récits, les procédés des uns et les réactions des unes correspondent au code social et littéraire d’une époque qui ne se préoccupe guère du consentement sexuel féminin. Dans les mœurs de l’aristocratie la dynamique de la séduction est impulsée par les hommes et les femmes accueillent passivement cette « charge », verbale d’abord, physique ensuite. Il est attendu qu’elles s’en défendent, non par refus de la jouissance mais pour préserver une apparence de pudeur. Le non initial n’exprime donc que le désir de sauvegarder les apparences de l’honnêteté avant de céder, sous la contrainte mais avec délectation. Le libertin est donc un séducteur conquérant dont la démarche est décrite à grands renforts de métaphores militaires : il s’agit pour la femme objet de son désir de « céder », non pas de « consentir ». Mais son « non » qui veut dire « oui » configure le cadre d’une compréhension du viol qui, au XVIIIe comme au XXIe siècle, nourrit le discrédit de la parole féminine et invite à ne pas croire les paroles et les gestes des personnages féminins dans la vie comme en littérature[4]. Et au tout début du XXe siècle, le discours scientifiques des psychiatres donne une consistance scientifique à ce qui relevait jusqu’alors surtout du préjugé et des conventions. Avec la mythomanie, refuge des esprits faibles, Ernest Dupré[5], consolide pour longtemps la suspicion qui règne sur la parole des femmes et des enfants

Il est donc difficile de ne pas « voir dans les textes libertins l’organisation systématique de la violence sexuelle contre les femmes [6]», violence suggérée ou explicite que l’on retrouve dans la peinture et dans l’ensemble des productions artistiques du XVIIIe siècle (Le très fameux Verrou de Fragonard n’a pas livré sans doute la totalité de son sens). 

Solidifiant et aggravant des siècles de sujétion féminine, le Code civil de 1804 fait des épouses des mineures dépendantes et infériorisées, entièrement soumises à leur mari, au nom de la famille et de sa stabilité. Le mariage est le garant du bon fonctionnement d’une famille que le législateur a explicitement conçue comme patriarcale. Privées de nombreux droits (celui d’ouvrir un compte en banque et d’exercer une profession sans l’autorisation de son mari jusqu’en 1965, celui de porter un pantalon jusqu’en 2013), les femmes sont soumises au devoir conjugal jusqu’aux arrêts de la cour de cassation des années 1980 et 90 qui reconnaissent enfin l’existence du viol conjugal. Plus corseté que son prédécesseur le XIXe siècle est donc moins disert que lui sur la sexualité et l’érotisme, mais ses tribunaux n’ignorent rien de la réalité des violences sexuelles sans toutefois les prendre tout à fait au sérieux.

Le XXe siècle laisse éclater au grand jour la phallocratie qui colorait le traitement judiciaire des violences sexuelles. Apollinaire – exhumateur de Sade – et les surréalistes, s’affirment à bien des égards comme des misogynes – même si, évidemment leur œuvre ne saurait être réduite à cela (les surréalistes se livrant à une vraie critique de l’aliénation des femmes) et si les obsessions de la justice à l’endroit de cette littérature tiennent davantage à leur caractère « pornographique » qu’à l’éloge des violences sexuelles auxquelles elle se livre à l’occasion. Mais les poupées disloquées de Hans Bellmer, femmes détroussées et masquées, Desnos humiliantla « femme altière» en la sodomisant, les photos de Raoul Ubac, d’André Kertész, les tableaux de Pierre Molinier – ces œuvres présentent des têtes des femmes décapitées, leurs corps désarticulés –, tout cet arsenal artistique surréaliste alimente une esthétique de la domination masculine sur des femmes érotisées autant qu’elles sont réifiées. « Le viol » (1945) et « les jours gigantesques » de René Magritte pourraient être des dénonciations, mais les photomontages de Pierre Molinier, « sur le pavois » ou « La mariée mise à nue » de Max Ernst, qui sont autant d’œuvres fétichisant le corps des femmes, relèvent d’une érotique ouvrant la voie à la prédation. On notera également ces propos de René Crevel : « Bonne femme, tu es drôle. Et dire qu’on ne peut jamais jouer avec tes seins, ton petit ventre sans que tu fasses des discours[7]» auquel fait écho cette plaisanterie, courante dans les soirées dans les années 1980 : « Je suis magicien : je te baise et du disparais ».

 Les surréalistes hommes croient dans la puissance de subversion d’Eros. Le monde nouveau sera celui qui verra s’épanouir les forces conjuguées de l’amour, du désir et de la liberté de l’imagination, fut-ce au prix de la brutalisation des femmes. Après avoir écrit en 1924, dans Le Manifeste du surréalisme, « il ne tient qu’à l’homme de s’appartenir tout entier, c’est-à-dire de maintenir à l’état anarchique la bande chaque jour plus redoutable de ses désirs », Breton affirme vouloir « braquer sur l’engeance des  » premiers devoirs  » l’arme à longue portée du cynisme sexuel[8]».

On a ici comme un avant-goût du combat pour la libération sexuelle des années 1970 et de ses effets pervers. Car la confusion entre la jouissance et l’usage, le plaisir et la liberté, le vice et l’émancipation tout ceci qui se dresse contre la pesanteur d’une morale chrétienne, cette confusion ne profite guère aux femmes dont l’autonomie ne semble ni envisageable, ni envisagée, mais fonctionne bien souvent au contraire contre elles et à leur détriment. Tous ces éléments conspirent à configurer ce que l’on appelle aujourd’hui (et depuis les années 1970 aux États-Unis) la culture du viol. Le viol, même s’il demeure moralement répréhensible, figure parmi les règles sociales acceptées ou subies pour une fraction et peut-être même la majorité de l’opinion. Couru par des femmes et des enfants qui ont peu de place dans l’espace public et dont on sollicite peu l’avis, sur la manière dont va le monde, le risque de subir des violences sexuelles est considéré comme anecdotique et anodin.

2- Jouir sans entraves : la décennie 1970 

Cette dimension presque exclusivement morale de l’approche des violences sexuelles alimente l’esprit des années 1970 en matière de sexualité. La décennie est marquée par l’anti-conformisme sexuel et la volonté d’une partie active de la jeunesse de réexaminer toutes les questions relatives à la sexualité, à la différence des sexes, au droit qui régit ces questions sous un angle politique. C’est le temps d’un vaste mouvement de remise en question permanente et résolument critique qui n’épargne aucun sujet et emprunte toutes les formes possibles. Ce grand réexamen ouvre ainsi des chantiers nouveaux au sein desquels toutes les formes de préjugés, d’a priori et de conformisme sont soumises à la moulinette infatigable du questionnement. Dans ce paysage politico-culturel renouvelé, la presse et la radio explorent les silences de l’intimité, dénoncent les tabous. Des écrivains, plus ou moins inspiré par Justine ou les Malheurs de la vertu et La philosophie dans le boudoir, revendiquent la révolution par le sexe, se réclament d’une même école du plaisir et affirment l’hégémonie de la pulsion. Il s’agit toujours « d’ouvrir grand les vannes au polymorphisme du désir, quelles que soient ses manifestations, aussi « perverses » soient-elles. »[9] La défense de la pédophilie fait partie de ce paysage. Même si Gabriel Matzneff, Tony Duvert, René Scherer récusent tout usage de la violence et de la contrainte, ils participent de ce système de représentations en assurant la promotion d’une « érotique puérile » caractérisée par une impossible réciprocité entre les protagonistes. Il s’agit toujours pour eux de chasser, de consommer et, bien sûr, de jouir.

Les femmes de ce qui allait devenir le MLF avaient mis, dès avant 1970, explicitement l’accent sur les liens qui existent entre la sexualité et la domination politique. Les homosexuels se mobilisent à leur tour et créent le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR), en mars 1971, réclamant que cesse l’oppression sociale des homosexuels et invitant à la reconnaissance des « sexualités autres ». Le discours des homosexuels militants revendique bientôt une sexualité mécanique celle du « sexe-machine, (où) les organes à brancher occupent presque tout le désir exprimé. Nous sommes des machines à jouir [10]» clame Guy Hocquenghem, faisant écho au « Jouissons sans entraves » de certains militants du « moment 68 ».

Cette radicalisation (ou ce détournement ?) des revendications en matière de liberté sexuelle rend quasi inévitable la rupture entre les unes et les autres. « A la libération des mœurs, à la pornographie, au déferlement homosexuel, répond le nouveau puritanisme de ligues de femmes contre le viol. (…) Le futur sexuel n’est pas fondé comme l’ordre répressif sur la Nature ; il divise rationnellement un secteur libéré, celui d’un érotisme de plus en plus commercialisé et avoué entre mâles et un secteur sauvegardé, femmes qui se refusent aux étreintes brutales, enfants mis hors d’atteinte des pédérastes[11]. » Ainsi est théorisé le rôle pivot d’une sexualité dégagée de toutes les entraves, en éliminant la question de l’amour et des relations humaines. Les défenseurs des « sexualités alternatives » acquiescent à la pédophilie sous prétexte d’hétérodoxie convaincus, comme leurs devanciers des Lumières, que la révolution adviendra par la sexualité́.

Après avoir réfléchi à la possibilité de supprimer toute infraction sexuelle du Code, ce qui émeut passablement ses interlocutrices[12], Michel Foucault lèvera finalement l’ambiguïté au début de la décennie suivante : « Pour ce qui est des objectifs politiques du mouvement homosexuel il faut, en premier lieu, considérer la question de la liberté du choix sexuel. Je dis liberté du choix sexuel et non liberté d’acte sexuel, parce que certains actes comme le viol ne devraient pas être permis, qu’ils mettent en cause un homme ou une femme, ou deux hommes. Je ne crois pas que nous devrions faire une sorte de liberté absolue, de liberté totale d’action dans le domaine sexuel notre objectif[13].» On notera que, ce disant, il oublie complètement les enfants.

Les femmes en mouvement se désolidarisent très vite non seulement du combat des pédophiles mais même de celui des homosexuels[14]. Les fondatrices du FHAR prennent rapidement la fuite abandonnant aux hommes un navire ayant le vent en poupe. Marie-Jo Bonnet raconte cette rupture :

« L’alliance entre les filles du MLF et les pédés du FHAR paraît si évidente que personne ne remet en question la mixité du FHAR. Mais (…) très vite nous nous sentons dépossédées du FHAR, de la parole, et peut-être plus encore de notre libération sexuelle. Les différences sautent aux yeux à présent. (…) Nous parlons, ils ne nous écoutent plus. La misogynie latente et souvent humiliante d’un grand nombre d’hommes venus là pour « jouir sans entrave », comme le dit un slogan, nous décide à nous réunir à part (…), tout en pensant (…) que « notre place est à l’intersection des mouvements qui libéreront les femmes et les homosexuels ». Le pouvoir que nous revendiquons est celui de nous réaliser [15]. »

En juin 1971 Tout! publie un dossier intitulé « Votre Libération sexuelle n’est pas la nôtre » signé par des femmes et en juillet, un premier bilan des activités du FHAR qui s’achève sur le constat que le groupe va devoir lutter contre la misogynie mais que néanmoins la scission est nécessaire[16]. C’est que « notre corps nous appartient » n’a pas le même sens pour tous fera remarquer Françoise Picq[17].

« Ils écrivent, ils causent : la libération, ils connaissent… Ils la rédigent, la digèrent et la gèrent avec les autres hommes leurs frères, dans le même mépris des femmes et à ce prix…. Quant à nous, femmes qui avons été nommées lesbiennes, femmes qui avons été nommées mères, femmes qui avons été nommées putains, femmes qui avons été nommées femmes et pour cela vendues, violées, châtiées, nous savons bien que nous sommes ailleurs. Et parties sans laisser d’adresse[18]. »

Ces années ne sont pas seulement celles de la « libération ». Le combat des femmes pour obtenir une redéfinition du viol[19] et une pénalisation effective des violeurs débouchera sur la loi de décembre 1980. Agacé, Hocquenghem s’en prend dès 1977 au mouvement féministe qui s’est porté partie civile contre un violeur, étudiant arabe :

« La vengeance est paraît-il un plat de femmes violées. Elles seront impitoyables (…) Je n’arrive pas à me mettre dans la tête qu’une légère blessure infligée par l’instrument contondant appelé bite soit plus grave que de douloureuses brûlures et de dangereuses violences[20]. »

Il n’est d’ailleurs pas le seul à dénoncer la manière dont les féministes recourent à la « justice bourgeoise » dans les affaires de viol et leur alliance tactique – ou fantasmée – avec les ligues de vertu. Serge July, lui aussi suspecte une dérive moraliste : « le féminisme engendré par la secousse de mai 68 va-t-il réussir là où Royer avait échoué et prendre la tête de cette offensive morale ? En d’autres termes certaines féministes sont-elles en train de constituer les embryons de nouvelles ligues morale sous le couvert de la dénonciation du sexisme [21]? »

On saisit les constituants de cette attaque : le désir de défendre des libertés chèrement acquises mais également une misogynie de combat à laquelle les homosexuels n’échappent pas et la non considération des victimes. La violence sexuelle reste longtemps au XXe siècle, comme elle le fut au XIXe siècle, perçue et représentée comme un crime ou un délit sans victime. Cette absence des victimes, puis leur montée en puissance à la fin du XXe siècle, correspondent aux évolutions profondes d’une justice initialement rendue non pas au nom des victimes mais au nom d’une société lésée par l’infraction et dont les enjeux se sont progressivement individualisés au XXe siècle.

3 – Le temps de la défense : quand les victimes portent plainte.

Les féministes trouvent refuge dans les Temps modernes pour expliquer longuement pourquoi le recours à la justice en cas de viol leur semble nécessaire et en quoi cela ne fait pas d’elles des moralistes bornées. « Quand et où nos culpabilisateurs ont-ils accepté de réfléchir à la spécificité du viol et à leur propre spécificité ? » interroge Nadja Ringari, qui précise : « la liberté des mœurs se retourne souvent contre les femmes », sans toutefois envisager la question des enfants[22]. La montée en puissance des revendications autour de la sanction du viol témoigne avec éloquence d’une mutation qui va bientôt peser sur l’appréciation des rapports sexuels entre adultes et enfants. La virginité d’une femme désormais lui appartient et son premier rapport sexuel est vécu comme un événement intime et non plus comme un rite ou un fait social. La jeune fille échappe au groupe et aux mâles et revendique de s’appartenir en propre[23]. Dans ces conditions, le rapport sexuel non consenti est vécu non plus comme une erreur à dissimuler, comme une atteinte à l’ordre social que la dénonciation perturbe encore plus gravement, mais comme une agression contre un individu.

Dans leur grande majorité, les femmes qui réagissent au discours de la libération sexuelle, qui est aussi celui des défenseurs de la pédophilie, témoignent soit d’une réticence silencieuse, soit d’une aversion exprimée pour leurs thèses en lesquelles elles voient surtout un avatar modernisé de l’éternelle domination masculine. Reste, les voix qui s’élèvent pour dénoncer la plaidoirie pédophile sont encore rares dans les années 1970, contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis où les mouvements féministes organisent des réunions permettant aux femmes de révéler les sévices subis pendant leur enfance en étant prises au sérieux[24].

Certes, le Torchon brûle évoque des cas d’enfants violées par leur père, mais au sein d’une problématique plus largement consacrée à la dénonciation du viol en général et sans isoler la spécificité de l’abus sur enfant :

« Ils disent que dans tous les cas nous l’avons cherché/ que nous sommes des imprudentes/ qu’il ne faut pas suivre des inconnus/ mais qu’on ne peut rien refuser à son père/ que nous sommes provocantes/ que nous sommes complices (…) Nous nous disons combien de petites filles violées par le seul fait que des hommes exhibent leur sexe dans des jardins publics ? (…) Le viol ça existe dans le réel, par le père, par le frère sur des petites filles silencieuses, par les hommes sur des femmes isolées[25]. »

En mai 1976, Les Temps modernes consacrent un numéro aux « petites filles en éducation ». Encore le dossier esquive-t-il quelque peu la question, qui ne compte aucun article sur la sexualité des petites filles. Mais l’argument invoqué est de poids et s’inscrit d’une manière très cohérente dans la réflexion des femmes sur la sexualité et le désir. « Il n’était pas question ici qu’un psychanalyste en parle avec l’autorité du spécialiste. Nous avons plutôt parlé du corps que du désir. Hors du champ psychanalytique ou littéraire, le sexuel ne se prend pas comme objet, ou ne se donne pas si facilement comme tel. » Nancy Huston trouve ainsi le moyen de faire entrer ce chapitre de l’oppression subie par les femmes dans l’histoire que le féminisme est alors en train de construire. Elle fait remarquer en somme aux pédophiles amateurs de petites filles que leurs goûts font d’eux ni plus ni moins que des prédateurs et les rangent dans la catégorie des oppresseurs. Mais dans le même temps, elle laisse dans l’ombre un pan important de la question et exclut de fait les garçons de la catégorie des victimes d’un pouvoir phallocratique. Cela toutefois ouvre la porte de la protestation aux féministes, une protestation qui, en s’orchestrant autour des enfants, menaçait de les renvoyer dans l’impasse d’où elles cherchent à s’échapper : celle de la maternité, gardienne des vertus domestiques.

Enfin il faut aussi citer le magazine Ah ! Nana, publié d’octobre 1976 à septembre 1978, dont le numéro 6 évoque la pédophilie et la prostitution des enfants et le numéro 9 est consacré à l’inceste. Ceci lui vaut d’être immédiatement interdit pour pornographie. L’équipe éditoriale, interprète cette censure comme une expression de la domination masculine, qui n’accepte pas de se voir donner des leçons par des femmes qui s’expriment librement[26].

En 1979, Nancy Huston, reprenant le fil de réflexions amorcées trois ans plus tôt aux Temps modernes, publie Jouer au papa et à l’amant, de l’amour des petites filles[27]

« Presque tous les enfants, garçons et filles, ont vécu une expérience comme celle-ci, très souvent assortie d’attouchements ou de mots obscènes. Tous les enfants peuvent être séduits et/ou violés par un homme adulte. Mais pour la petite fille, cette confrontation soudaine avec l’autre sexe, avec le corps de l’homme dans toute son altérité, assume un sens particulier. L’exhibitionniste ne sollicité nullement son désir. Il est peut-être « sans malice, inadéquat, timoré et passif » ; son acte constitue néanmoins une agression. Il bâillonne la petite fille. Il l’empêche de répondre. Il la cloue sur place – comme on cloue une photo porno au-dessus du lavabo – pour en jouir[28] (…) « Ils ne tuent point. » C’est faux : ils tuent le désir[29] (…) Depuis la redécouverte de la  » découverte freudienne » de la sexualité infantile, il est devenu « révolutionnaire » de prétendre que tous ces chers petits polymorphes ne rêvent que de se faire sauter par les adultes[30]. »

L’autrice s’adresse à tous ceux qui veulent supprimer les limites d’âge en deçà desquelles les mineur-e-s peuvent avoir des relations sexuelles licites. « Ils n’en connaissent pas, ne veulent pas en connaître ; tout doit être permis. Mais quelle totalité close, quel naturalisme du désir sous-tend cette notion d’illimité ? Cela n’implique-t-il pas, du moins, pour les petites filles, que l’anatomie sera éternellement le destin ? [31]» Et elle affirme vouloir « perturber la bonne conscience hypocrite qui continue, sous la double bannière de la liberté d’expression et de la liberté du désir, à transformer les petites filles en femmes-objets[32]».

Ces voix de femmes qui s’élèvent pour dénoncer dans le sort fait aux petites filles l’avers moins spectaculaire et plus sournois du viol féminin font écho à celles des défenseurs de la pédophilie qui ont eux aussi et pour de toutes autres raisons, brisé le silence entretenu sur la question. Ce que faisant c’est la libération d’autres voix, celles des victimes, qui a été rendue possible, préparant le terrain à l’avènement des condamnations.

L’implication croissante des femmes dans la vie institutionnelle et sociale, la reconnaissance textuelle de leurs droits contribuent progressivement à transformer les fondements des interdits sexuels. Après avoir recouvré le plein exercice de leur capacité civile, en 1938, puis avoir vu reconnu l’exercice de leur autorité parentale en 1970[33], les femmes parviennent à faire admettre leur viol en cette même année 1980. Cette décennie 70 est donc aussi celle qui voit triompher le combat des féministes pour la reconnaissance du viol préparant le terrain à une approche plus individuelle et plus compassionnelle de la criminalité sexuelle. On retiendra la manière dont s’accrochent les uns aux autres les différents maillons d’une chaîne qui a conduit à un renouvellement radical de l’appréciation du crime sexuel. La nouvelle définition des crimes sexuels qu’offre la loi de décembre 1980, n’a été possible qu’en raison d’une évolution essentielle : celle de l’égalité désormais formellement admise des relations entre femmes et hommes dans une société d’individus attachés à la protection de leur intégrité. Le meurtre physique ne représente plus, seul, le mal absolu qui, maintenant, prend les traits du « meurtre psychique ». Du même coup délits et crimes sexuels gagnent en visibilité et en profondeur. Ils peuvent prendre leur place dans un espace public ouvert à la discussion.

Cette histoire-là n’est pas purement française. Paul Okami a montré comment aux Etats-Unis aussi, dans les années 1960 et jusqu’au milieu des années 1970, les discours scientifiques et populaires sur la sexualité humaine prolifèrent, influencés par le climat d’expérimentation sexuelle et de permissivité qui prévaut alors. Les travaux scientifiques examinent les comportements sexuels y compris déviants à la fois parce qu’ils révèlent une liberté nouvelle et parce qu’ils y participent. Même la sexualité juvénile, sujet pourtant traditionnellement connoté négativement dans la société américaine, n’est pas présentée comme ayant nécessairement des conséquences négatives. Au cours de la fin de la décennie 1970 et au début des années 1980, un tournant radical et notable est pris. L’agression sexuelle, l’abus et le harcèlement deviennent des sujets centraux pour un grand nombre de professionnels et de non professionnels. Une intense activité sexuelle et des pratiques inhabituelles sont alors pathologisées sous les termes de « sex addiction » et « sex compulsif »[34].

Cela témoigne aussi d’une mutation culturelle radicale : le corps des femmes et des enfants n’est plus à la libre disposition de l’appétit sexuel des hommes à qui il est demandé en outre de taire l’expression de leur convoitise et de garder pour eux leurs fantasmes. Le consentement est au cœur des débats, dans la jurisprudence comme dans les médias. Le consentement c’est-à-dire l’exercice pour autrui de sa liberté impose que la liberté sexuelle soit conçue dans l’interaction, qu’elle s’origine en quelque sorte dans autrui. Ainsi l’intimité devient un enjeu politique et judiciaire inscrit « dans la grande fresque des droits de l’humanité [35]». Interrogées, les lois écrites et non écrites de l’amour ou à tout le moins de la sexualité lancent une sorte de pont entre l’individuel et le collectif.

Les débats n’échappent pas à la récupération : après le mythe de « l’inceste rural », voici le XXIe siècle obsédé par un autre mythe : l’inceste ou l’agression sexuelle sur mineur fruit de la libération des mœurs des années 1970, déviance du gauchisme ou du progressisme. Du même coup, l’enjeu de ces révélations se trouve fréquemment déporté, puisqu’elles sont instrumentalisées à des fins politiques faisant largement oublier que les violences sexuelles comme l’inceste sont des phénomènes « ordinaires » puisqu’ils sont massifs.

4- Le désir, instrument de la domination

Au XIXe siècle, quoique violeur d’enfant, le père incestueux est défendu parce qu’il est un homme, dominant social grâce au code civil, dominant économique et culturel dont la position est en quelque sorte renforcée par les sciences du psychisme avec l’invention de la mythomanie. Les femmes et les enfants ne sont pas fiables et c’est pourquoi on les entend avec réticence.

L’agresseur est perçu comme un criminel d’occasion ou un vicieux, parfois même comme pas criminel du tout : c’est alors la figure de l’hyper génital aux désirs immaîtrisés qui surgit. Au tournant du siècle, le pervers ou dégénéré à la responsabilité atténuée s’immisce au tribunal avant que ne s’impose définitivement la figure du pédophile qui, à l’aube du XXIe siècle, se décline en « anormal » et en « malade » et plus largement celle du violeur. Toutes qualifications qui permettent d’éviter d’interroger les conditions de possibilité de l’expression active de ces « pulsions », conditions qui sont évidemment structurelles. Ces approximations et ces ambiguïtés lexicales concernent aussi l’apparition fort tardive du terme « pédocriminalité » qui permet d’apercevoir le caractère ordinaire de ces actes, remplaçant mais très partiellement celui du pédophile.

Lorsque la résistance à reconnaître la réalité des violences sexuelles cède devant le poids et la solidité des accusations, la représentation d’une masculinité toute puissante et triomphante se fissure et s’effondre. Echappant au processus de civilisation des mœurs, l’agresseur rétrograde dans l’ordre biologique : animal, monstre chaud incapable de résister à la force de son instinct ou à la puissance de ses pulsions perverses, il ne peut qu’être banni, ce qui est une manière très efficace de ne pas mettre en cause le masculin.

Il est bien difficile dans ce cadre mental de penser la question de la terreur qu’exerce un père de famille tout puissant sur sa femme et ses enfants et de mener l’analyse sur le terrain social ou politique. La pathologisation accrue de l’agresseur sexuel au cours du XXe siècle ne va pas peu contribuer à réduire cette réalité aux cas individuels et singuliers, l’enclavant pour longtemps dans une exceptionnalité traitable au cas par cas.

Il est long le temps de penser les violences sexuelles comme un système et une entreprise de domination parce que la domination est à peine pensée comme telle et donc largement incontestée.

Alors, parler de déni – un déni évident mais qui n’est qu’une partie de la question et qui tient aussi sans doute à la trop grande douleur que suppose de regarder la vérité en face :  comme un deuil ou une guerre lointaine dont on ne veut pas ou plus entendre parler parce qu’on se sent impuissant, dépassé – n’est pas suffisant. C’est bien comme l’histoire de siècles de refus de prendre en compte la réalité et la gravité des violences sexuelles que l’on doit lire cette histoire-là.

Conclusion : les questions qui demeurent

Les derniers basculements dans l’approche des violences sexuelles doivent être compris comme le produit d’une mutation culturelle dans laquelle les médias ont joué un rôle majeur en mettant en scène la souffrance des victimes et en permettant d’articuler trois niveaux de réflexion et d’intervention : celui des personnes, des cas individuels ; celui de l’intérêt global, collectif et celui des principes et de leur violation.

S’il est indéniable qu’il s’agit d’un véritable changement judiciaire, législatif et politique, la question qui demeure est double : ce changement est-il suffisamment incorporé par les individus pour acter cette révolution culturelle dans les mœurs, dans les mots et les gestes de la vie quotidienne ? ; est-il en outre assumé par l’action publique, législative et judiciaire ?

Grace à l’addition de mouvements sociaux qui ont imposé dans l’espace public de nouvelles revendications, le spectre des conduites répréhensibles s’est élargi à tout ce qui relève du sexisme et cela marque un véritable tournant. Depuis 2017, l’affaire Weinstein, #Metoo, #balancetonporc, #Metooinceste, les dénonciations de VSS dans le cinéma, tous ces mouvements incluent la saisie des violences sexuelles comme autant d’expressions ou de symptômes de la domination masculine, du sexisme et des abus de pouvoir du patriarcat.

Mais alors que le silence qui pesait sur le dire de cette violence spécifique recule et que le pouvoir semble vouloir se saisir d’un crime désormais constitué en problème public, le contrôle social menace de remplacer la censure morale. En deux siècles on est passé d’une ignorance, délibérée dans bien des cas, d’une résistance assumée à considérer la gravité du problème à un discours proliférant et forcément volontiers soupçonneux. Cette bascule du refus de voir au désir panoptique et peut-être positiviste de tout voir et de tout traiter comporte un risque : celui de l’extension du champ de protection et de tutelle exercé par un Etat garant de la sécurité et du renforcement du contrôle social au nom de la protection des individus. Dans le cadre nouveau du code pénal de 1994, qui accorde une priorité impérative au respect de l’intégrité physique et morale, à la prise en considération des sentiments et des affects, comment le droit peut-il s’exercer, agir sans empiéter sur les libertés fondamentales ?

En outre, si l’ambition de protection totale est méritoire, elle pose aussi d’autres problèmes qui, eux, ne sont pas tout à fait nouveaux.  Comme on le sait, les victimes de la violence sexuelle sont le plus souvent des proches. Or le discours politique et médiatique dominant fait encore trop souvent – à l’exception de la CIIVISE qui entre 2021 et 2023 a recueilli 30 000 témoignages de victimes – du criminel sexuel un étranger et un prédateur, d’une part, et un malade mental, d’autre part. Jusqu’à récemment[36], les mesures législatives faisaient trop souvent comme si le criminel sexuel n’était pas un membre de la communauté (famille, milieu professionnel, cercle amical). En outre, le silence règne encore trop souvent sur les conditions sociales, économiques et culturelles qui, faisant système, expliquent structurellement la violence sexuelle, au profit d’une naturalisation psychologique.

Reste que les violences sexuelles ne sont sans doute que la part la plus visible, la plus expressive d’une organisation culturelle et politique qui prend souvent le nom d’amour mais fonctionne sur la domination et profite des abus de pouvoir. Et en ce début du XXIe siècle, une double hypothèque continue de peser lourdement sur le traitement pénal des crimes sexuels : celle d’un masculinisme en pleine réaction ainsi qu’en témoigne le « Ton corps, mon choix » qui a envahi les réseaux sociaux au lendemain de l’élection de Donald Trump ; celle du tout répressif et de la difficulté qu’il y a à délimiter le territoire d’exercice d’un droit d’exception justifié par la domination masculine.


[1] Le verbe violer est attesté dans son sens sexuel depuis le XIIe siècle, et le substantif viol depuis 1647. Le Dictionnaire de l’Académie, dans son édition de 1762, définit le viol comme une « Violence qu’on fait à une fille, à une femme que l’on prend à force ». Définitions et usages rappelés par Roxane Darlot-Harel, « Lire la littérature libertine du XVIIIe siècle : culture du viol et plaisir de lecture ». Journée d’étude du 12 janvier 2019 « Désir, consentement, violences sexuelles en littérature : quelles méthodes d’analyse littéraire ? Quels enjeux pour la discipline ? » https://malaises.hypotheses.org/587#footnote_2_587, consulté le 3 novembre 2024.

[2] Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, vol 1, p. 317. 

[3] Le Monde, 10 juin 2010.

[4] Roxane Darlot-Harel, « Lire la littérature libertine du XVIIIe siècle », op. cit.

[5] Ernest Dupré. La Mythomanie. Étude psychologique et médico-légale du mensonge et de la fabulation morbide, Paris, Imprimerie typographie Jean Gainche, 1905. 

[6] François-Ronan Dubois, « Violence sexuelle, lecture littérale & politique de la critique littéraire », Acta fabula, vol. 20, n° 4, Essais critiques, Avril 2019, URL : http://www.fabula.org/acta/document12108.php, page consultée le 03 November 2024

[7] René Crevel, Mon corps et moi, 1925, Bibebook, p. 37.

[8] André Breton, Second Manifeste du surréalisme, Simon Kra, 1930, cité par Michel Lequenne, « Surréalisme, sexualité, féminisme et révolution », Contretemps, revue mensuelle de la ligue communiste révolutionnaire, septembre 1975, N° 4, p. 84.

[9] Michel Lequenne, « Surréalisme, sexualité, féminisme et révolution », Op. cit..

[10] Guy Hocquenghem, Le Nouvel Observateur, 10/01/1972

[11] Guy Hocquenghem, La Dérive homosexuelle, J-P. Delaye, 1977, Prélude, p. 12.

[12] « Enfermement, psychiatrie, prison », entretien avec D. Cooper, J-P Faye, M-O Faye, M. Zecca, Change, n° 22-23 : La Folie encerclée, octobre, 1977, pp. 76-110, Dis et écrits, 1977. Monique Plaza publie dans Questions féministe en mai 1978 un article circonstancié et très argumenté en réponse à ces propos. Sous le titre éloquent « Nos dommages et nos intérêts », elle déconstruit un à un les arguments de Michel Foucault en insistant sur le fait que le viol n’est pas une violence comme une autre, la blessure sexuelle mettant en jeu la différence des sexes.

[13] Michel Foucault, entretien avec James O’Higgins, 1982, Gai pied Hebdo, 05/01/1985.

[14] Ce sont des femmes du MLF qui firent irruption le sur le plateau où Ménie Grégoire réunissait les invités de son émission « l’homosexualité, un douloureux problème » suscitant quelques jours plus tard la création du FHAR

[15]  Marie-Jo Bonnet, « De l’émancipation amoureuse des femmes, lesbiennes et féministes au XXe siècle », Les Temps Modernes, 598 (Mars – Avril 1998, p. 85-112).

[16] Tout, 30/06 et 29/07/1971.

[17] François Picq, Libération des femmes, les années mouvements, Paris, Seuil, 1993, p. 105.

[18] Libération, 22/04/1977, Catherine Bernheim.

[19] Loi ambigüe au demeurant puisqu’elle acte légalement la déqualification des attentats à la pudeur sans violence sur mineur jusque-là passibles des assises en les transformant en délits.

[20] Libération, 29/03/1977.

[21] Libération, 06/12/1978.

[22] Les Temps modernes, février 1979, dossier « Est-ce ainsi que les hommes jugent ? ».

[23] cf. Yvonne Knibiehler, Marcel Bernos, Élisabeth Ravoux-Rallo, Éliane Richard, De la pucelle à la minette, les jeunes filles de l’âge classique à nos jours, Messidor, 1983, p. 237 notamment.

[24] Avec Florence Rush notamment, membre des féministes radicales de New-York qui fait entrer la question des sévices sexuels sur enfants dans les préoccupations de son groupe dès 1971. Dans Le Secret le mieux gardé , l’exploitation sexuelle des enfants, qu’elle publie en 1980, elle dénonce l’ambivalence qui règne chez les homosexuels sur la question et affirme que « la libération sexuelle et la liberté sexuelle pour les enfants » ne sont que le « vulgaire euphémisme pour signifier exploitation sexuelle ».Denoël, p. 266.

[25] Le Torchon brûle, n° 4, 1973, « Le viol », texte rédigé collectivement par le groupe des femmes qui ont travaillé sur le viol.

[26] Virginie TALET, « Le magazine Ah ! Nana : une épopée féministe dans un monde d’hommes ? », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés [En ligne], 24 | 2006, mis en ligne le 01 décembre 2008, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/clio/4562 ; DOI : 10.4000/clio.4562.

[27] Nancy Huston, Jouer au papa et à l’amant. De l’amour des petites filles.  Paris, Ramsay, 1979.

[28] Nancy Huston, op cit, p. 144

[29] Nancy Huston, op cit, p. 146

[30] Nancy Huston, op cit, p. 150

[31] Nancy Huston, op cit, p. 158

[32] Nancy Huston, op cit, p. 160

[33] Et encore faut-il attendre le 23 décembre 1985 et la loi n° 85-1372 pour que l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs soit pleinement établie.

[34] Paul Okami, « Child perpetrators of sexuel abuse. The emergence of a problematic deviant category », Journal of sex research 29, (1) pp. 109-130.

[35] Geneviève Fraisse, Du Consentement, Seuil, 2007, p. 17.

[36] La loi du 4 avril 2006 renforce la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs en élargissant le champ d’application de la circonstance aggravante à de nouveaux auteurs, à de nouvelles infractions (viols – agressions sexuelles), en facilitant l’éloignement de l’auteur de l’infraction du domicile de la victime et enfin en reconnaissant le viol entre époux lorsqu’il démontre une véritable volonté du conjoint violeur d’assujettir sa victime. En 2007 le suivi judiciaire des criminels sexuels est élargi au conjoint, concubin partenaire auteur de l’agression. En 2010 l’ordonnance de protection des victimes prévoit le retrait total de l’autorité parentale pour les personnes condamnées comme auteur, co-auteur ou complice d’un crime l’autre parent et définit le délit de violence psychologique. Enfin, le3 août 2018 la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est promulguée. Elle prévoit : l’étendue du délai de prescription des crimes sexuels commis sur des mineurs à 30 ans à partir de la majorité de la victime, le renforcement des dispositions du code pénal pour réprimer les infractions sexuelles sur les mineurs, la création d’une infraction d’outrage sexiste pour réprimer le harcèlement dit « de rue » et l’élargissement de la définition du harcèlement en ligne.


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