La revue Positions s’associe à l’association MMT France pour une série d’émissions sur la Théorie Monétaire Moderne (MMT), animées par Ramzi Kebaïli. Ce samedi 26 février 2022, nous avons reçu Fadhel Kaboub, professeur associé d’économie à l’université de Denison dans l’Ohio et président du think tank Global Institute for Sustainable Prosperity aux Etats-Unis. Les travaux de Kaboub visent à appliquer la MMT aux pays du Sud.
Dans notre émission précédente, L’économie internationale et ses rapports de force : une perspective MMT, nous avions reçu l’économiste sénégalais et champion de scrabble N’Dongo Samba Sylla, et entamé le débat fondamental sur les liens entre la souveraineté monétaire et le développement économique et industriel.
Fadhel Kaboub nous a rappelé son parcours intellectuel, depuis l’Université de Tunis El Manar jusqu’à l’Université du Missouri – Kansas City, et ses recherches sur les économistes du développement qui ont expliqué, depuis les années 1960, que l’ordre économique mondial était voué à perpétuer la domination occidentale via un néo-colonialisme économique. Il existe pourtant des politiques alternatives permettant aux pays périphériques d’accéder à la souveraineté et la prospérité – ce que Kaboub nomme le « Wakanda à portée de main », en référence au film Black Panther. Mais à condition de rompre avec les politiques économiques orthodoxes imposées par le FMI et les anciennes puissances coloniales, et donc de préparer un plan précis pour rendre aux peuples le pouvoir de création monétaire aux échelles nationales.
Robert Cauneau et Ivan Invernizzi de MMT France ont défendu l’idée qu’un État monopoliste de sa devise, et ayant opté pour un taux de change flottant, n’est pas contraint financièrement. Il peut donc parvenir au plein-emploi et satisfaire les besoins de sa population sans avoir besoin de s’endetter en monnaie étrangère. Pourtant, selon Fadhel Kaboub, ces principes théoriques doivent être affinés pour les pays dits « périphériques » car, du fait de règles commerciales iniques, ceux-ci sont actuellement contraints d’importer leur nourriture et leur énergie, et donc de s’endetter en monnaie étrangère. Si ces contraintes sont bien la résultante de choix politiques et donc, en un sens, des contraintes « auto-imposées », le retour en arrière pourrait s’avérer complexe et nécessiter de préparer un éventail de scénarios de transition, du plus optimiste au plus pessimiste. Le débat sur les modalités pratiques de l’accession à la pleine souveraineté est donc amené à se poursuivre.